Le 15 de la rue de Seine est un petit immeuble sans prétention, probablement du XVIIè siècle, disent les architectes de la protection patrimoniale, en tous les cas certainement ancien. Il n’a pas été reconstruit même s’il a été remanié. La maison du 16 rue Mazarine fut vraisemblablement reconstruite à la fin du XIXe siècle.
1573-1576. Claude de Senneton
Un certain premier avril 1573, Roland de Senneton se présenta devant Me Lusson et Me Legendre, notaires, pour acquérir une maison située sur le fossé d’entre les portes de Bussy et de Nesle d’une certaine Madeleine de Chefdeville qui était alors veuve de Michel Perret, vivant premier huissier au Parlement de Paris.
Roland de Senneton était écuyer et seigneur de … Senneton. Il était aussi homme d’armes du très fameux maréchal de Cossé. Marié à Marguerite de Bellongne, il habitait à Auneau-en-Beauce (Eure-et-Loire).
La maison était alors à l’enseigne de l’Image Notre Dame, comportait un grand corps d’hôtel qui avait son entrée sur le fossé d’entre les portes de Buci et de Nesle, une étable et une cour avec un puits. Son jardin s’étendait jusqu’à la rue de Seine et ses voisins étaient d’un côté la maison qui portait l’enseigne du Nom de Jésus et de l’autre à une maison dont le propriétaire était inconnu des notaires. La redevance due à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés (le cens) était de 2 sols parisis, à verser chaque année au jour de la saint Rémi, « chef d’octobre ».
Il ne garda pas longtemps sa maison puisque trois ans après, le 11 avril 1576, il la vendit à un certain Guillaume Pajot 1 .
1576-1589 . La famille Pajot
La transaction qu’il fit avec Guillaume Pajot et Perrette du Hamel sa femme, fixait le prix de vente à 1800 livres dont 300 livres seraient versés au jour de la fête Saint Jean-Baptiste (elle fut versée le 20 juin 1576 devant les notaires Franquelin et Legendre). Le 2e versement (1200 livres) était prévu pour 31 juillet 1576 mais Pajot avait alors des difficultés financières et obtint de n’en payer que 600 livres à cette date et un délai de payement fixé à fin octobre pour les 600 livres restants. La maison était construite du côté de la rue Mazarine. Elle avait pour enseigne l’Image Notre Dame et comportait un grand corps d’hôtel , une étable un puits et un jardin du côté de la rue de Seine.
Le couple s’installa dans la maison mais n’eurent point d’enfant puisqu’à la mort de Perrette qui arriva le 7 juillet 15822 , sa seule héritière fut une nièce du nom de Marie Papillon qui habitait Meaux. Cependant Perrette du Hamel et son mari Guillaume Pajot s’étaient fait donation mutuelle de tous leurs biens. Guillaume Pajot continua donc à jouir de la maison, au grand dam de la nièce qui lui intenta un procès qu’elle perdit : les juges estimèrent que la donation mutuelle était sans ambiguité. Quatre mois et demi après, il se remaria avec Marie Boucher, fille d’un bourgeois de Paris3. Il mourut en sa maison de la rue de Seine 7 ans plus tard, en 1589.
Quelques années plus tard, en 1610, les héritiers de Guillaume Pajot et de Perrette du Hamal, sa première femme vendirent la maison à Arnoul Mestayer qui était lieutenant de la compagnie de 100 arquebusiers et possédait la maison et le jeu de paume voisins. Les troubles dus aux guerres de religion avaient transformé la maison en masure. La vente se fit moyennant 4400 livres et ce fut Arnoul Mestayer qui prit à son compte les frais de la clôture séparant son jeu de paume de la masure4.
1610- 1637. La famille Mestayer
Ce fut le 12 mars 1612 qu’Arnould Mestayer, maître paumier, se fit adjuger aux Requêtes du Palais une maison dont l’entrée était sur le fossé d’entre les portes de Bussy et de Nesle et qui s’étendait jusqu’à la rue de Seine5. Il possédait déjà depuis une dizaine d’années le jeu de paume du Mestayer qui était situé juste à côté. Pour cette acquisition il versa la somme de 4400 livres.
Arnould Mestayer fit alors bâtir de neuf deux maisons à la place de celles qui n’étaient alors que des masures et mourut en 1617. Il laissait cinq enfants âgés de huit ans à treize mois. Sa veuve, Marie Raganel, ne tarda point à se remarier avec Olivier Ducreux qui était aussi maître paumier, malheureusement elle perdit aussi son deuxième mari alors que ses enfants n’étaient point encore majeurs6 .
Lorsqu’elle vit que venait l’heure de rendre des comptes de tutelle et qu’elle n’avait pas le premier sol pour payer ce qui en résulterait, elle prit les devants et vendit le 16 décembre 1637 la moitié qu’elle possédait en les maisons qui occupaient l’emplacement du 15 de la rue de Seine et de celle qui se trouvait derrière sur les fossés d’entre les portes de Bus et de Nesle (rue Mazarine) . La maison était maintenant composée de deux corps d’hôtel : le premier qui avait son entrée rue de Seine était à l’enseigne le Lyon d’Argent, une sage-femme du nom de Charles occupait les lieux. Le second qui donnait sur le fossé d’entre les portes de Bussy et de Nesle avait pour enseigne la Ville de Lyon qui était louée au sieur Saint-Georges, l’un des chevaux-légers du roi. Chacun des deux corps d’hôtel consistaient en salle et cuisine et écurie au rez-de-chaussée. Au-dessus on trouvait deux chambres à cheminée avec leur garde-robe, écurie, deux chambres avec leur garde-robes , un grenier et des caves. Un puits avait été creusé dans chacune des cours. La vente se fit moyennant 10 000 livres. L’ensemble des deux maisons était chargé de 12 deniers parisis de cens envers l’abbaye de Saint-Gemain- des-Prés7. L’autre moitié des deux maisons appartenaient aux cinq enfants d’Arnoul Mestayer
1637-La famille Froment
Les acheteurs étaient Jean Froment, maître tailleur d’habits et Marguerite Bonjour, sa femme. Ils mirent longtemps et développèrent une forte ténacité pour acquérir l’autre moitié de leur bien :
Le 20 octobre 1639, Anne Mestayer et son mari Jean de La Ferté qui était écuyer et sieur de Champrobert, vendirent le 5e en la moitié qu’ils possédaient dans les deux corps d’hôtel moyennant 2000 livres8. L’année suivante, ce fut au tour d’Elisabeth Mestayer et son mari Poictevin de vendre 2/5 e en la moitié à Jean Fromant et sa femme 9
Restait encore la même portion à arracher aux vendeurs récalcitrants. Le couple mit quinze longues années à y parvenir. En 1655, les 2/5e en la moitié restant en la possession de la famille Mestayer appartenaient à Florent Luzurier, maître charron et époux d’Antoinette Mestayer, à Claude Gouffier, marchand mercier mari d’Anne Mestayer, et à Nicolas Mestayer, Antoinette, Anne et Nicolas tous trois enfants et héritiers de Claude Mestayer et Marie Gouppy, les vendeurs récalcitrants, qui avaient eu tout loisir de prendre le temps de mourir durant ces 15 longues années. Le 30 novembre, cette portion, objet de tous les désirs de Jean Fromant et sa femme, tomba enfin dans leur escarcelle !
Pour bien marquer leur sceau sur la maison du côté de la rue de Seine, le couple lui donna l’enseigne des 3 Épis de Froment et la loua à un chirurgien du nom de Charles Morangeau et à sa femme Marie Moreau moyennant 400 livres par an. Le sieur Froment se réserva tout de même le petit caveau qui était à main gauche en descendant dans la grande cave, sous le « grand » corps de logis donnant sur la rue de Seine10.
Six mois plus tard sa femme Marguerite Bonjour mourut. Si son fils Jean était majeur et se préparait au métier de tailleur d’habits comme son père, sa fille Antoinette était mineure. Il fallut donc procéder à l’élection d’un tuteur et d’un subrogé tuteur. Le père fut évidemment tuteur et le subrogé-tuteur fut son beau-frère. Un avis de parents du 13 juin 1661 lui accorde de vendre la maison de la rue d’entre les portes de Bussy et de Nesle qui était alors à l’enseigne du Bon Semeur.
Il aurait dû le faire très vite car il était dans une position financière bien inconfortable puisqu’un certain sieur Bellanger avait fait saisir l’une des deux maisons et qu’il avait des dettes ailleurs : 4 500 livres dues à madame de Morfortame à cause de 250 livres de rente que lui avait constituée Froment en 1660 ; 1800 livres à M. de Plémont, grand trésorier de France pour le principal de 100 livres de rente ; la dot promise de 8000 livres au sieur de Luzeaux, époux de sa fille Madeleine ; 3000 livres par obligation envers les sieurs Le Roux et le Roy. Il obtint mainlevée de la saisie et fut contraint de vendre les deux maisons. L’acheteur fut Me du Halloy, avocat en Parlement qui acquit ces deux maisons moyennant 2 000 livres de rente11. Mais, coup de théâtre, le sieur Froment et son gendre, (sa fille Antoinette avait trouvé un mari en la personne d’un maître en fait d’armes qui portait le délicieux nom de Loup Minou) se démenèrent si bien qu’ils obtinrent de la part de Me du Halloy l’annulation de la vente de la maison de la rue de Seine et en rentrèrent en possession,
Où les maisons des rues de Seine et Mazarine sont séparées
Le 30 octobre 1664, Me du Halloy fit un échange avec Claude Selon, sieur de Lonnes et ancien garde du corps du roi. Il lui céda la maison du Bon Semeur située sur le fossé d’entre les portes de Bussy et de Nesle où on commençait à bâtir le Collège des 4 Nations selon les vœux et dernières volontés de Mazarin. En échange, le sieur de Lonnes lui bailla 800 livres tournois de rente rachetable à 16 000 livres12.
1665-1702. La veuve Foucault
Le 24 décembre 1665, Jean Froment et son gendre vendirent cette maison à Louise Le Picart, veuve de Claude Foucault, qui fut de son vivant conseiller du roi en ses conseils en la grande chambre du Parlement. La maison qui était à l’enseigne des Trois épis de froment avait deux boutiques sur la rue dont l’une était une simple transformation de la porte cochère. Elle comportait quatre étages et un grand grenier au-dessus. Au fond de la cour, on trouvait un deuxième bâtiment de trois étages avec une écurie et une salle en bas, le reste se présentant sous forme de chambres, antichambres et cabinets. Ils reçurent pour cette vente livres représentant 20 600 livres sous forme de diverses rentes qu’ils ne pouvaient vendre sans l’agrément de la veuve Le Picart !
Après sa mort, la maison passa à sa petite-fille, Marie Foucault. Celle-ci eut la très mauvaise idée de refuser de payer les arrérages d’une vieille rente due à une dame Mongeron pour les cinq dernières années soit tout de même 1000 livres. Menacée de saisie, elle eut la bêtise de maintenir son refus. Les huissiers se rendirent en sa maison de la rue de Vaugirard puis en celle de la rue de Seine (qui avait d’ailleurs récupéré sa porte cochère et abandonné la boutique à sa place). Par sentence des Requêtes de l’Hôtel du 8 mai 1702, elle fut vendue à Jean Glucq, bourgeois de Paris, et à sa femme Marie-Charlotte Julienne.
1702-1719. La famille Glucq
Jean Glucq, dont le nom est lié à la manufacture des Gobelins, eut une vie passionnante : lorsque Colbert fonda la manufacture des Gobelins, Jean Glucq qui était d’origine hollandaise, reprit l’affaire de teinturerie de Jean Gobelin avec l’aide de son beau-frère, François de Julienne. Ils importèrent un nouveau procédé dit de teinture écarlate dite « à la hollandaise » tandis que son beau-frère détenait le secret de fabrication d’un magnifique bleu. Ils firent fortune en s’associant si étroitement que Jean Glucq épousa en 1674 Marie Charlotte Julienne, sœur de François. Il acheta en 1710 le château de Sainte-Assise et la seigneurie de Saint-Port ainsi qu’un magnifique hôtel quai Malaquais. Il plaça quelques deniers en la maison de la rue de Seine qu’il loua pour 1000 livres par an à François Fabre et sa femme qui y tenaient un hôtel à l’enseigne de l’Hôtel de Bretagne .
Jean Glucq mourut en 1718. Il laissait pour héritiers ses deux fils, Jean Baptiste Glucq de Saint-Port, conseiller au Grand Conseil, et Claude Glucq, conseiller au Parlement ainsi que Maire Charlotte Glucq qui avait épousé Jacques de Chabannes, marquis de Curton, et Françoise Glucq qui était mariée à Jean Baptiste de Monthulé, conseiller au Parlement. Les époux des filles Glucq renoncèrent à la succession. L’Hôtel de Bretagne appartint alors pour moitié à la veuve et pour l’autre moitié à ses deux fils qui la vendirent moyennant 20 000 livres à un certain sieur Fabre, marchand de vin de son état13.
1719-1759. Le sieur Rigault-Fabre et sa femme
Le sieur Rigault-Fabre était marchand de vin de son état et avait épousé Catherine Barbe Gautier. Il décède la 14 avril 1742 dans sa maison de la rue des Marais en laissant de nombreux enfants :
- André lui aussi marchand de vin qui demeurait en la paroisse Saint-Germain l’Auxerrois
- Pierre bourgeois de Paris qui habitait aussi rue des Marais (Visconti maintenant)
- Louis, tapissier
- Marguerite qui était veuve en premières noces de Charles Delaitre et s’était remariée avec le sieur Rodier marchand charron. Ils habitaient rue de Seine.
- Elisabeth Catherine qui avait pour époux François Coupry-Dupré Me tapissier résidant tous les deux rue de Verneuil.
Dans les années qui suivirent le décès du sieur Fabre son gendre, Coupry-Dupré, fit deux acquisitions :
- L’office de conseiller du roi et de greffier des présentations du Parlement pour lequel il versa en mars 1748 la grosse somme de 97 000 livres !
- La maison de la rue de Seine qu’il acquit par licitation du 21 février 1759, moyennant 20 000 livres
Cette maison, qui s’appelait encore Hôtel de Bretagne, comportait sur la rue de Seine un bâtiment de 4 étages carrés et un 5è en mansarde. Elle avait trois fenêtres de face sur la rue et on y entrait par une porte cochère. On arrivait alors dans une cour pavée
A SUIVRE
A.N. ; M.C. ; ET/LXXXIV/3, Vente de Roland de Senneton à Guillaume Pajot ↩
A.N., M.C. XXIII/163, inventaire de Perrette du Hamel à partir de 16 juillet 1582 ↩
A.N., M.C., CXVII/20, mariage de Guillaume Pajot avec Marie Boucher le 28/11/1582 ↩
A.N. ; M.C. ; XCII/9. Vente du 16 décembre 1610 ↩
A.N., M.C. ; XXXV/234, inventaire après le décès de Arnoul Mestayer daté au commencement du 16/05/1621 ↩
Ibid. ↩
A.N., M.C. ; VI/455, vente de Marie Raganel à Jean Froment du 16/12/1637 ↩
A.N., M.C. ; VI/460, vente au sieur Froment du 20/10/1639 ↩
A.N., M.C. ; VI/460, vente du 15/01/1640 à Froment ↩
A.N., M.C. ; LXX/167, bail du 17/12/1660 par Jean Froment à Claude Morangeau ↩
A.N., M.C. ; XCVII/22, vente du 23/10/1663 du sieur Froment à Me du Halloy ↩
A.N., M.C. ; VI/403, échange entre Me du Halloy et Claude Selon du 30/10/1664 ↩
A.N., M.C., CVI/194, vente du 18 janvier 1719 ↩