Le 51 rue de Seine

Le 51 rue de Seine et son jardin

Au temps des Valois

Depuis des temps immémoriaux, les terres situées entre la rue de Seine et  l’actuelle rue Mazarine d’une part, la rue de Buci  et les quais de Seine d’autre part, étaient dans la censive de l’abbaye de Saint Germain des Prés et consacrées à la culture.

Ci-contre : Enluminure de Jean Pichore

En 1510, monseigneur Guillaume, abbé de Saint-Germain-des-Prés, s’avisa de bailler à cens1 le lot situé entre les rues de Seine et Mazarine d’une part et le 53 rue de Seine et les quais d’autre part qui mesurait cinq arpents et un quartier L’heureux élu était l’enlumineur et miniaturiste de Louis XII, Jean Pichore. Dans le contrat qu’il signa2 , il promettait de  labourer sa pièce de terre  et de la cultiver si bien que les 50 sols tournois de cens et rente pourraient être pris sur le revenu de la terre au cas où il serait défaillant. Mais en 1519, Pichore céda ses droits aux frères de l’Hôtel-Dieu qui désiraient construire un peu plus à l’ouest un hôpital de pestiférés appelé le Sanitat. Ce ne fût pas du tout du goût de l’abbaye qui ne voulait pas que ses terrains soient acensés à un établissement de mainmorte.

Ils s’empressèrent de porter l’affaire au Parlement et en 1531 un arrêt obligea les frères de l’Hôtel-Dieu à céder leur terrain dans les trois mois.

Gilles Le Maistre, avocat au Parlement, en fit l’acquisition.

1519-Bail à Pichore

 

1531-1543  Gilles Le Maistre

Sa candidature remporta les suffrages de l’abbé de Saint-Germain-des-Prés parce que sa famille était d’excellente réputation. Elle comptait un avocat général du roi (son grand-père), un juge et garde de la prévôté de Montlhéry et un avocat au Châtelet (son père). Marié depuis 1525 à Marie Sapin, fille d’un receveur général des finances en Languedoc, il avait cinq enfants et lui-même était promis à un brillant avenir. Passé du barreau à la magistrature lorsque François Ier l’avait promu avocat du roi, c’était un orateur hors pair qui savait défendre avec brio les affaires royales.  Sa réputation de bon catholique, en ces temps où la Réforme progressait, était aussi un excellent atout. 

L’achat fut donc conclu entre l’abbaye et Gilles Le Maistre moyennant une redevance annuelle de 4 sols parisis de cens.

Cependant cet homme intègre était rude en affaire et savait magnifiquement défendre ses droits en cas de malversations. Quand il constata que ses 5 arpents et un quartier de terre rétrécissaient comme une peau de chagrin, il porta l’affaire aux requêtes du Palais. En effet, l’abbé de Saint-Germain qui était alors le cardinal de Tournon, avait bel et bien fait élargir à son détriment le chemin des fossés de la ville 3. Il avait aussi baillé une portion de sa terre à un certain Nicolas Grandval. Ces messieurs des requêtes jugèrent qu’élargir le chemin des Fossés paraissait justifié au Parlement puisque c’était pour le bien public mais ils décrétèrent aussi que Gilles Le Maistre devait recevoir une juste compensation. Le cardinal finit par lui donner, à regret, un arpent et demi de terrain en bordure de la rue de Seine près du petit Pré aux Clercs, c’est-à-dire du côté ouest de la rue. L’accord fut signé le 25 septembre 1538 devant les notaires Bastonneau et Maupéou 4

L’affaire enfin réglée, Gilles Le Maistre, imitant l’abbé de Saint-Germain qui dès 1530 avait loti découpa son terrain en longues bandes parallèles et vendit les lots à plusieurs particuliers moyennant rente foncière annuelle et perpétuelle.

Celle qui nous intéresse fut baillée à rente par Gilles Le Maistre à Philippe de Trepigny, marchand bonnetier. Le contrat fut signé le 25 septembre 1543 devant Me Bastonneau et Maupéou, ses notaires habituels5

Une vingtaine d’années plus tard, Gilles Le Maistre fit son testament le 24 septembre 1562, et mourut  le 12 décembre de la même année. 

Tombeau de Gilles Le Maistre et sa femme aux Cordeliers

1543- 1544. Philippe de Trépigny

Philippe de Trepigny 6 connaissait bien Gilles Le Maistre, parce qu’il lui avait déjà acheté plusieurs pièces de terre. Le terrain du 51 qu’il acquit en septembre 1543 avait une superficie de 140 toises et aboutissait d’un bout, du côté des fossés de la ville, à un certain Thomas Hardy et de l’autre sur la rue de Seine. Il s’engageait à rembourser la moitié des murailles que ses voisins Claude André, Léon de Marzellier et Thomas Hardy avaient déjà construites. En outre, il promettait d’y édifier dans un délai de deux ans une maison « manable » (habitable) en y employant au moins 200L tournois et de la maintenir en si bon état de valeur et de réparations que Gilles Le Maistre ou ses hoirs pourraient aisément récupérer leur argent en cas de défaillance de sa part. Il devait lui verser chaque année, une rente de 21L tournois payable par parts égales aux quatre termes de l’année et en outre il s’engageait à verser à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés le cens qui se montait à 14 deniers. L’achat de la pièce de terre n’était pour Philippe de Trepigny qu’un investissement foncier pour réaliser une bonne affaire. Même s’il était fort riche puisqu’il faisait partie des Six Corps7 , il ne négligeait point les petits profits. L’année suivante, avant d’être obligé de bâtir une maison, il vendit le terrain à un certain Jean Milles.

Jean Milles

Nous n’avons pas retrouvé l’acte de vente de Philippe de Trépigny à Jean Milles, mais les comptes de l’abbaye de 15488  indiquent que le propriétaire est Jehan Milles « au lieu de Philippe de Trepigny pour sa maison couverte d’ardoise, jardin et lieux ». Il versait lui aussi 14 deniers oboles de cens à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés et les 21L de rente foncière à Gilles Le Maistre. Ses voisins étaient encore Léon de Marzelay (à droite) et Claude André (à gauche). 

            Devenu propriétaire, il ne tarda point à construire une maison. Dès le 11 mai 1545, il signa avec Claude Lemoyne, maître serrurier, un marché 9 pour y poser des fenêtres, des châssis dormants et des ferrures « pour sa maison à Saint-Germain-des-Prés, bâtie de neuf ». Il lui en coûtait 100 sols tournois par croisée et 5o sols tournois par demie croisée.

Jean Mille 10 était né à la fin du XVe siècle à Souvigny dans le Bourbonnais ainsi qu’il le rappelait dans le titre de chacun de ses ouvrages de droit : Joannes Millaeus, Boius Silvignacus. Il fit probablement ses études de droit et ses premiers pas d’avocat à Toulouse. Il a en effet écrit dans un de ses ouvrages : « C’est ainsi que j’ai vu pratiquer à Toulouse par le lieutenant de M. Bertrand, prévôt du roi qui, le jour même de Pâques, fit battre de verges un larron qui avait coupé une bourse et le condamna à l’exil ; j’y exerçais alors la profession d’avocat ». On le retrouve en 1529 à Paris, avocat au Parlement de Paris : « Jean Berquin, témoigne-t-il, qui était accusé d’hérésie, fut condamné par arrêt du Parlement à faire amende honorable sur la pierre de marbre des degrés du Palais, et n’ayant pas voulu exécuter l’arrêt, il fut renvoyé en prison et condamné par un autre arrêt à être brûlé. Et moi-même, ajoute-t-il, étant alors avocat au Parlement de Paris, j’ai vu exécuter cette sentence devant la maison commune, l’an 1529, le 17 avril ».En 1535, il était prévôt, à ce titre il rendait des sentences jusqu’à la mort et les faisait exécuter. « C’est ainsi, dit-il, qu’il fut décidé par arrêt du Parlement, confirmatif de ma sentence, le 29 avril 1535, contre Jean Androy qui, ayant frappé dans le jeu de paume Jean Auger d’un coup de couteau, fut par mon ordre et par mes sergents, arraché à l’autel principal de l’église des Saints-Innocents où il s’était réfugié comme en un lieu d’asile, et condamné à terminer sa vie, pendu  au gibet, et je fis exécuter la sentence le même jour ».

En 1537, il délivra une sentence par laquelle il condamnait un certain Thomas Lafontaine, blasphémateur, à être attaché au poteau de la première à la neuvième heure pour y être exposé à l’insulte des passants, et y recevoir la boue, les ordures et même les pierres qu’ils trouveront à propos de lui jeter. En 1538, il porta et fit exécuter une sentence de mort contre un sacrilège du nom de … Saint Vincent !

Le 17 janvier 1538 11 il reçut l’office de lieutenant particulier en la cour des Eaux et forêts, au siège de la Table de marbre à Paris. Il exerça cette fonction avec une grande rigueur et une extrême sévérité, on peut même dire une extrême cruauté. « Le condamné, dit-il, doit avoir les jambes, les cuisses et les reins cassés et rompus, il doit être exposé sur une roue élevée, jusqu’à ce que sa vie s’échappe dans la douleur ». Pendant qu’à Paris il occupait la charge de prévôt, il rencontra la duchesse de Nemours, comtesse douairière de Genevois, Charlotte d’Orléans, à qui François Ier avait donné le duché de Nemours, en la mariant à Philippe de Savoie, qui lui-même avait reçu en apanage de son frère Charles, le comté de Genevois, dont Annecy était alors la capitale. Elle lui confia la charge de premier président au parlement de Savoie, à Annecy. Durant deux ans, il remplit cette fonction avec un si grand zèle qu’il se fit beaucoup d’ennemis et en particulier d’un certain Floquet qui organisa un complot contre lui et le dénonça pour corruption. Entre-temps, la duchesse qui était sa protectrice mourut. Il perdait une alliée de poids et fut suspendu. Il se débattit comme un beau diable et obtint une éclatante réparation : le calomniateur fut condamné à deux ans d’exil, à une forte amende envers le fisc. En outre, il dût verser des dommages et intérêts et contraint de fléchir le genou, la tête découverte, devant Jean Milles et à lui demander pardon.  

Ce dernier fut rétabli dans ses fonctions et revint à Annecy. Mais des difficultés imprévues l’attendaient et sa qualité de Français, donc d’étranger, le fit renvoyer de sa charge. Il en conçut une grande amertume et revint à Paris où il reprit sa profession d’avocat au Parlement. Remarqué par le duc de Guise, il fut nommé lieutenant général pour le roi au baillage de Bugey et Val Romey. On sait que François Ier avait dépouillé de ses états le prince Charles de Savoie, et par conséquent le Bugey et le Val-Romey, qui en faisaient partie, se trouvaient administrés au nom du roi de France. Ce qui explique comment Jean Milles fut envoyé à Annecy par la duchesse et dans le Bugey par le roi.

On le retrouve ensuite en 1551. Le 7 janvier de cette année12, il signa devant Me Mayeul Auclerc le contrat de mariage de sa fille Claude avec Jean de Vigne. Par ce contrat, Geffroy de Vigne, licencié en lois, lieutenant général pour le roi du château de Souvigny, seigneur de Chery et de la Vivert, et Claude Chamelet, sa femme, père et mère de Jean de Vigne, écuyer, donnaient à leur fils les château, terre et seigneurie de Chery et plusieurs métairies en la paroisse de Souvigny, avec le bétail et le mobilier qui s’y trouvaient. De leur côté, Jean Milles, lieutenant général pour le roi du bailli de Bugey, à Belley en Savoie, seigneur de la Petite-Matrée, près Souvigny, et Marie Cardon, sa femme, montrèrent toute l’affection qu’ils portaient à leurs filles. Ils donnaient à Claude la terre de la Petite Matrée lez Souvigny, avec le bétail et le blé qui s ‘y trouvaient, et divers prés et étangs en dépendant. Ils promettaient aussi de payer aux futurs époux, dans le délai de quatre mois, une somme de 400 écus d’or. En outre, Marie Cardon lui donnait Claude, ainsi qu’à sa sœur Jeanne,  une maison à Paris, près le Petit Pont, au coin de la rue de la Huchette, louée 190 livres tournois par an. Elle y ajoutait 20 livres de beurre, et le tiers d’une ferme et d’un domaine appelés l’hôtel de Bonnières, à Massy. Il était convenu que Geffroy de Vigne et sa femme entretiendraient les futurs époux avec leurs gens.

Le 21 septembre 155113 , Jean Milles louait la maison de la rue de Seine à Jean Forest, avocat au Parlement, et à Edme de Vigne, protonotaire au Saint Siège. À cette occasion, il prit Jean de Vigne, son gendre, comme procureur. On apprend par l’acte que la maison consistait en deux corps d’hôtel, une cour et un jardin. Ses voisins étaient toujours les inévitables Léon de Marzelay et Claude André, tous deux toujours procureurs en Parlement.

Le 18 octobre 1557 14 Gilles Le Maistre et sa femme Marie Sapin décidèrent de préparer le salut de leur âme. Jean Milles y joua indirectement et involontairement un rôle. En effet, pour s’assurer les prières salvatrices, le président et sa femme rencontrèrent les marguilliers de l’église Saint-Côme et Saint-Damien, leur paroisse, pour fonder en cette église quatre obits annuels et perpétuels de vigiles à 9 psaumes et 9 laudes, plus 3 messes hautes avec diacre et sous-diacres, la première dédiée au Saint-Esprit, la seconde à Notre-Dame et la troisième aux trépassés. Bien entendu, ces messes n’étaient pas dites sans une juste rétribution. Ils donnèrent donc à la fabrique de l’église Saint-Côme et Saint-Damien les 21L « de rente foncière de bail d’héritage à eux appartenant […]  à prendre sur une maison, jardin et lieux qui alors appartenait à Jehan Milles […] dont les droits lui avaient été transportés par Philippe de Trépigny». L’acte précise qu’une maison avait été bâtie et que le contrat de bail d’héritage signé entre Le Maistre et Trépigny datait bien du 25 septembre 1543 . Il n’y a donc aucun doute : le terrain fut vendu par Philippe de Trépigny à Jean Milles.

Cette rente nous rendra encore de précieux service puisque elle nous permettra de connaître le propriétaire suivant de la maison.

La famille Lhuillier

C’est un certain  Jean Lhuillier, banquier expéditionnaire en cour de Rome, qui racheta la maison et donc continua à verser aux marguilliers les 21 livres annuelles. Il y habita au moins quelques temps comme en témoigne un acte signé en 1580 devant son notaire Lenain. 

Jean Lhuillier qui était sans doute las d’avoir à payer tous les trimestres la rente foncière à l’église Saint-Côme et Saint-Damien, décida d’en racheter les deux tiers, comme il en avait le droit. Le 29 mars 1577 15 et les luttes entre les deux camps étaient féroces. Lorsque Henri IV fit le siège de Paris presque toutes les maisons situées rue de Seine et rue Mazarine furent détruites soit lors d’assauts, soit volontairement afin d’éviter que les assiégeants puissent jouir d’une position haute sur Paris. Dans ces conditions, on comprend que les abbés de Saint-Germain n’aient pas bien tenu leurs censiers, cueillerets et comptes ou les aient perdus. 

Cependant le cueilleret de 1595 fait mention d’un nouveau propriétaire : 

« De Monsieur de Peyrat, thrésorier général de la maison de Monsieur de Montpensier au lieu des ayans cause de feu Me Jehan Lhuillier, banquier, pour une grande maison couverte d’ardoise assise en la rue de Seyne, tenant d’une part audict de Villars, advocat, d’autre part aux héritiers de feu Claude André, aboutissant d’un bout par devant sur ladicte rue de Seyne et par derrière à ________ qui doibt de cens chacun an ledict jour sainct Remy 15 solz »

Mais nous savons, grâce à la rente souscrite par Gilles Le Maistre qu’un autre propriétaire s’est intercalé entre Lhuillier et M. de Peyrat. Il s’agit de Mathieu Martin, valet de chambre du roi de Navarre, seigneur de Malissis et de Léglantier. Il était l’époux de Madeleine de Lamanny qui était gouvernante des enfants de la reine. 

Il était aussi gouverneur de la Capelle et soutenait Henri IV contre la ligue. Lorsque les espagnols vinrent faire le siège du fort, seul, sans le secours des armées du roi qui ne put le joindre,  il dût se rendre… La forteresse resta aux mains des ennemis jusqu’en 1598 mais il ne vit pas cette victoire puisqu’il mourut de la peste à Paris le 21 juin 1596 16. Sa veuve devint gouvernante du dauphin Louis XIII  17.

Ils avaient eu au moins deux enfants. Le premier qui s’appelait Mathieu eut une courte et belle carrière militaire. Le deuxième était une fille, Anne, qui épousa  « noble homme et sage messire François Tardieu, seigneur de Melleville, conseiller du Roy et général en sa court des aydes ». Étaient présents à la signature du contrat qui fut signé chez Mahieu et Mahieu le 26 novembre 1598  18 du côté du futur Marguerite de Bonguete, veuve du baron de Helemps, sa cousine germaine, Nicolas Thuillier, avocat en Parlement

Cependant, la maison de la rue de Seine avec ses deux corps d’hôtel était complètement ruinée par les guerres de religion. La dame de Malissis ne payait plus la rente aux marguilliers de Saint-Côme et Saint-Damien qui étaient alors Omer Talon, avocat au parlement, et  Baptiste Hullon, procureur en la même cour. Ils demandèrent la saisie et la mise aux criées « une masure ou maison en ruyne size aud lieu de la rue de Seyne qui consistoit en ung corps de logis contenant salle, cuisine, chambres haultes, grenier, puis, autre corps de logis sur le devant consistant en estable, bucher, chambre haulte, gallerye, court au millieu des deux, jardin derrière et maintenant en masure seullement et ruynes de fondz en comble »19. Les voisins étaient maintenant à droite les héritiers de Christofle Lamonyeux 20 et à gauche la veuve de  Pierre Lecourt. La maison fut adjugée le 7 mai 1603 à François Peyrat.

1603-1658. La Famille Peyrat

La paix enfin revenue, de nouveaux habitants vinrent s’installer à Saint-Germain et commencèrent à construire.

 C’est en effet exactement le 7 mai 1603 que François de Peyrat acquit, pour la somme modeste de 2500 livres et par adjudication au Châtelet, le terrain qui ne contenait alors qu’une ruine. François Peyrat suivit si bien l’exemple de ses compatriotes que son terrain contenait en 1628 21 quatre maisons : l’une donnait directement sur la rue de Seine par une porte cochère, la seconde, plus grande, se situait entre cour et jardin et  enfin les deux autres étaient derrière et avaient leurs entrées rue Mazarine  22 qui s’appelait à cette époque rue des fossés d’entre les portes de Nesle et de Bussy.

Déclaration Peyrat

François Peyrat23, dont la famille était originaire de Pezenas, avait épousé en 1595  24 Philippe Le Ragois, fille de Bénigne Le Ragois, en son vivant notaire et secrétaire du roi et de Marie Saulcier. Elle était aussi la sœur du célèbre Claude Le Ragois, seigneur de Bretonvilliers.

Le couple vint habiter rue de Seine, après, évidemment, fit reconstruire les lieux. Malheureusement, nous n’avons pas pu retrouver les marchés de construction qu’il a pu signer. Mais nous verrons plus loin comment se présentaient les lieux.

De leur mariage naquirent six enfants : Charlotte qui épousa en 1614 « noble homme Christian Yoland », René, écuyer et seigneur de Sallange, Jacques, conseiller du roi et contrôleur général des rentes de la ville de Paris qui épousa Charlotte Petit dont il eut une fille, Angélique, Claude, seigneur de La Boullaye, et contrôleur des rentes, Madeleine qui s’unira à Jacques Mérieult, seigneur des Parquets et Jean, seigneur et baron de La Redorte.

François de Peyrat exerçait la fonction à la fois considérable et lucrative de trésorier général du duc de Montpensier, cousin du roi Henri IV et de surcroît un des hommes les plus fortunés de France. 

En 1604 25, François Peyrat constitue une rente de 500L pour la somme de 8000L à Nicolas Vedeau contrôleur général des gabelles et finances en Languedoc. Cette rente est assignée sur une grande maison sise rue de Seine contenant deux corps d’hôtel et tenant d’une part aux héritiers de feu M. Le Court et d’autre à M. Lusson docteur en médecine.  Etait-ce pour en payer les frais de construction ? Probablement, puisque de la masure achetée le 7 mai 1603, on trouve en juin 1604 une grande maison en deux corps d’hôtel. Deux ans après, jours pour jours, il racheta la rente, montrant ainsi que la fonction qu’il exerçait auprès du duc de Montpensier était fort lucrative …

 L’année 1612 le verra faire une acquisition beaucoup plus importante. Il s’agissait du magnifique château de Boumois situé à Saint-Martin-de–la-Place près de Saumur avec la châtellenie, les fiefs, terres et dépendances. La vente fut signée le 30 juin 1607 devant  deux tabellions de Tours26

Les vendeurs étaient Charles de Thory et Suzanne de Contour. René de Thory, aïeul de Charles, l’avait fait construire à 500m du château fort primitif. Vers 150-1570, les propriétaires avaient renforcé les défenses à cause des guerres de religion. Prudent, François de Peyrat en avait fait l’acquisition avec « possibilité de rendre pour 9 ans » et moyennant la somme de 30403 livres 6 sols tournois dont une partie étaient versée sous forme de rente.

En ce début de l’année 1608, la tristesse se répandit à la Cour parce qu’on désespérait de la vie de Henri de Bourbon, duc de Montpensier. Les médecins n’arrivaient pas à bout de la blessure qu’il avait reçue au siège de Dreux. Devenu squelettique, il se nourrissait exclusivement de lait de femme. Sa femme, Henriette-Catherine de Joyeuse, lui avait donné une fille unique qui avait maintenant deux ans. C’était une riche héritière que le roi voulait marier au duc d’Orléans qui n’avait d’ailleurs qu’un an.  Sentant qu’il vivait ses derniers jours, Henri IV voulut assurer le mariage par un contrat qu’il fit signer par le duc le 14 janvier. Le roi, la reine, le duc et la duchesse de Montpensier, Marguerite de Valois, les Princes de sang et plusieurs seigneurs assistèrent à la cérémonie. 

Un mois après le duc de Montpensier fit son testament par lequel, si la Princesse mourrait sans enfants, il donnait le dauphiné d’Auvergne, le duché de Montpensier et les Combrailles à sa femme ; les Dombes et le Beaujolais et le duché de Saint-Fargeau au duc d’Orléans ainsi que tous ses autres biens à l’exception de ceux donnés à sa femme. Ayant ainsi mis de l’ordre dans ses affaires, il mourut quelques jours après, le 27 février, assisté par le duc de Joyeuse, son beau-père qui s’était fait capucin sur la fin de sa vie. 

Ce fut un grand chagrin à la Cour car c’était un homme très apprécié. Les funérailles eurent lieu le 21 mars à Notre-Dame27.  Henri IV les voulut magnifiques qui avait été entièrement tapissée de drap noir avec des lais de velours par dessus garnis d’écussons aux armes du duc. Il avait fait placer des chaises hautes dans le chœur tendues de drap noir et d’écussons. Une chapelle ardente était dressée et la bière couverte d’un riche drap d’or croisé de satin blanc et un bord d’hermine. Un coussin recueillait les colliers de l’ordre de chevalerie avec une couronne ducale en or. Un peu avant midi, messieurs du Parlement prirent place sur les chaises hautes à main droite, les membres des la cour des Aides, le prévôt s’installèrent à gauche sur les chaises hautes tandis que le greffier et las quarteniers de la Ville assirent leurs séants sur des chaises basses. L’évêque de Paris était à l’autel. On fit alors ouvrir grand les portes et le cortège du deuil entra. 120 pauvres vêtus de noir tenaient des torches allumées, suivaient les valets de pied et pages du duc, tous ses officiers, intendants et gentilshommes de sa maison, parmi lesquels était François Peyrat qui, sans doute éprouvait une grande tristesse, sentiment mélangé à l’inquiétude pour son avenir.

Il fut assez vite rassuré sur ce dernier point puisque le 7 juin 1608, il recevait une lettre de jussion de Henri IV qui le nommait  tuteur onéraire de Marie de Bourbon, fille unique du duc de Montpensier. Les lettres furent entérinées au Parlement le 10 juin suivant.

Jussion Montpensier

La vie reprit son cours. Le 27 mars 1610, il fit l’achat d’une maison située sur les fossés d’entre les portes de Buci et de Nesle qui appartenait à Roland Le Duc, maître couvreur de maison et Guillemette Landormy, sa femme. Ces derniers l’avaient acquises le 7 décembre 1599 pour 70 écus soleil de Jean du Tillet et Marie de Lavergne28 sa femme, descendante de Gilles Le Maistre.  En ruines à cause des guerres de religion, ce qui restait debout de cette  construction avait pour voisins de gauche les héritiers de Claude André et de droite ceux de Thomas Hardy. Roland Le Duc l’avait reconstruite et couverte d’ardoises. Maintenant elle comportait un corps d’hôtel à deux étages auxquels on accédait par une montée « dans œuvre ». On trouvait au premier, deux chambres avec leur garde-robe et petit cabinet ; au second, une seule chambre, lambrissée,  avec sa garde-robe et son cabinet. Au-dessus se trouvait un donjon auquel on montait par un escalier à vis et un grenier à côté. Le rez-de-chaussée comprenait une salle avec petite cuisine séparée de la maison. Une écurie dans la cour et un petit garde-manger, un jardin avec quelques arbres et treilles complétaient les lieux. 

Philippe Peyrat acheta cette maison située derrière son jardin parce qu’il possédait aussi la maison joignante, on va le  découvrir  grâce à un acte signé la même année.

En effet, le 15 juin 1610, il loua une maison qui était située sur les fossés d’entre les portes de Buci et de Nesle (Il s’agit du 50 rue Mazarine)). Le preneur était Philippe Durant qui exerçait le métier de maître écrivain. Elle comportait un corps d’hôtel, deux petites cours, une « estable à chevaulx », aisances et appartenances. Le bail fut signé pour la somme de 300L par an plus les taxes des boues, chandelles, lanternes et à l’entretien du pavé devant la maison. En outre, il devait cotiser aux fortifications.

La triste mort de François Peyrat

En octobre 1612, François Peyrat et son épouse se rendirent en leur château de Boumois. Il y séjourna juqu’au dimanche 21 octobre. Ce jour-là, beaucoup de monde étaient au château et le curé de Saint-Martin-de –la Place qui ne connaissait pas  encore M. Peyrat vint lui rendre visite après vêpres. Les nouveaux châtelains lui firent fort bonne impression et le lendemain il  leur fit envoyer par un de ses écoliers des citrons et des oranges qui en revint en bégayant d’émotion tantôt disant qu’il avait vu M. Peyrat malade au lit, tantôt disant qu’il était mort. Affolé, le bon curé se rendit à Boumois où on lui raconta qu’après avoir fort bien soupé la veille, le sieur de Boumois s’était couché. Le lendemain son serviteur chauffa longuement sa chemise esprérant que son maître se réveillerai tôt le matin comme il l’avait averti. À 9 heures passé, la dame de Boumois se décida à rentrer dans la chambre de son mari et, tirant les rideaux, elle le vit si blême qu’elle en fut toute tremblante. Sortant de la chambre comme elle pouvait, elle fit quérir Me de Petitboys , avocat à Saumur et sénéchal du lieu. Ilconstata qu’il avait expiré au grand désespoir de sa femme. Le lendemain, donc le lundi, on envoya chercher des médecins et des chirurgiens de la ville qui ne voulurent ouvrir le corps que le lendemain, jour où ils ne trouvèrent rien d’anormal : « il étoit décédé en dormant, sans avoir goûté la mort, ce qui était fort étrange pour un homme aussi fort et en bonne santé ». Le corps du défunt fut embaumé et mis en un cercueil tandis que ses entrailles étaient placées dans une fosse de la chapelle du château. Le samedi suivant arriva Bénigne Le Ragois, sieur de Bourneuf, qui était le frère de la veuve qui envoya quérir médecins et chirurgiens à Tours pour faire visiter le corps du trépassé car il avait le sentiment qu’il avait été empoisonné. Ils ouvrirent le corps  et le trouvèrent tout putréfié et donnèrent d’autres raisons à sa mort29

            Le 9 septembre 1613, alors qu’elle demeurait encore dans la maison de la rue de Seine, elle loua la partie des bâtiments ayant issue sur la rue de Seine 30 « à haulte et puissante princesse madame Marguerite de Lorraine, toute nouvelle veuve de « hault et puissant prince monseigneur François de Luxembourg, duc de Piney et pair de France31  ». Il en coûtait à la princesse  la coquette somme de 1200 livres par an. Le bail incluait la maison entre cour et jardin 32, l’entrée par la porte cochère et la jouissance commune du jardin et du puits.  Philippe Le Ragois déménagea alors pour s’installer dans une des maisons qui avaient son entrée sur les fossés de la ville. Ce jour-là, ce fut Me Jean Drujon, avocat au parlement qui vint signer le bail en se portant fort de la princesse. Le 26 mars 1614, alors qu’elle demeurait en la maison, elle ratifia le contrat. Elle ne resta pas longtemps locataire des lieux  puisque Philippe Le Ragois les reloua, le 17 mars 1615, à Martin Martineau, baron de Thuré et seigneur de Grand Pouillé et de la Tour de Pouillé, conseiller secrétaire du roi33.

Signature du bail

En  1630, Philippe Le Ragois perdit sa mère, Marie Saulcier,  veuve de Bénigne Le Ragois, qui laissait à ses cinq enfants une petite fortune et en particulier deux maisons rue de Seine, en face de l’hôtel de La Rochefoucauld (voir les n°27 et 31 rue de Seine) et rue Mazarine. L’une d’entre elles (le n°27 actuel), qui avait son entrée rue de Seine et une issue sur les fossés d’entre les portes de Bussy et de Nesle, fut attribuée à notre veuve dans le partage qui suivit34 .

En l’année 1648, la veuve de François Peyrat fit son testament. Au-delà des dons habituels que l’on trouve dans ce genre de document, elle y fit deux demandes étranges. La première était qu’on fit « une petite charité » à trois jeunes enfants qui portaient le nom de Le Ragois et qui étaient les enfants de Claude Le Ragois, «mor an prison». La deuxième était  qu’on ne touchât pas à son corps mort pendant 2 jours et qu’ensuite on l’ouvrît afin de voir de quel mal elle souffrait depuis si longtemps…35

Extrait du testament de Philippe Le Ragois, épouse François du Peyrat

Extrait du testament de Philippe Le Ragois, épouse François du Peyrat

Elle mourut le 15 mars 1649.  En 1650, les enfants firent appel à un expert pour partager les immeubles des rues de Seine et Mazarine36 . Le procès-verbal très détaillé qui fut fait nous permet de visiter les immeubles.

Le 51 rue de Seine en 1649

 Le corps de  logis  donnant sur la rue de Seine comportait trois travées de long et deux étages en plus le rez-de-chaussée dont un lambrissé et un petit grenier au-dessus, le tout couvert d’ardoise. Deux boutiques encadraient la porte cochère qui servait d’entrée à la grande maison entre cour et jardin. Sous les boutiques étaient deux berceaux de caves auxquels on accédait par une descente droite. Ayant franchi la porte cochère, on arrivait dans une cour dont chaque côté avait un escalier hors d’œuvre et deux étages de galeries couvertes d’ardoises qui desservaient à la fois le grand logis de derrière et le bâtiment sur rue. Sous ces galeries, on trouvait un cabinet d’aisance. Sous la galerie de droite on avait aménagé un hangar qui servait de remise de carrosse. La maison sur rue fut prisée 8000 livres.

Au fond de la cour, on trouvait le grand corps de logis entre cour et jardin qui comportait trois grandes travées de long sur un rez-de-chaussée et deux étages. Derrière, le jardin était décoré de parterre de buis (déjà) et d’arbres fruitiers. Au fond, un puits servait à la fois au jardin et à une des maisons située sur le fossé d’entre les portes de Bussy et de Nesle (rue Mazarine). Le tout fut estimé à  24 000 livres.

La maison située à main gauche (l’actuel 50 de la rue Mazarine) avait trois travées de long avec, au rez-de-chaussée, une cuisine sur la rue, une « sallette » sur la cour avec une allée de passage à côté ainsi qu’une porte cochère qui servait de boutique. Au-dessus, deux étages étaient desservis par un escalier hors d’œuvre. La maison était construite sur deux berceaux de caves voûtées. Derrière, dans la cour, on avait bâti un logis en aile de deux travées de long et d’un étage au-dessus du rez-de-chaussée.  Ce dernier comportait une écurie, une cuisine, une salle à côté de la porte de la cave.  Un puits était dans la cour et une galerie conduisait au premier à un siège d’aisance. L’expert estima cette maison à 10 000 livres.

La deuxième maison, donc l’actuel 50 rue Mazarine, était à l’enseigne de L’Image Sainte-Barbe. De deux travées de profondeur et couverte d’ardoise, elle s’élevait sur deux étages au-dessus du rez-de-chaussée qui ne comprenaient chacun une chambre et une petite garde-robe. Un  appentis dans la cour cachait le siège d’aisance et deux autres plus grands servaient d’écurie. Un passage entre eux conduisait au puits du jardin de la grande maison de la rue de Seine. Le tout fut prisé à la modeste somme de 6 000 livres.

            Le partage de la succession fut signé le 27 juillet 1650. Il attribua à Claude Peyrat, seigneur de la Boulaye, le corps de logis sur la rue de Seine, celui du jardin échut à sa sœur Magdeleine Peyrat, veuve de Jacques Mérieult, seigneur des Parquets.  Le bâtiment du 52 rue Mazarine alla à Angélique Peyrat, petite-fille de Philippe Le Ragois qui était encore mineure. Jean Peyrat eut pour sa part l’autre bâtiment sur les fossés de la ville. Quant à René Peyrat, il renonça à la succession, se contentant de la maison située plus loin dans la rue de Seine que lui avait donnée sa mère en avancement d’hoirie.

En 1655, Jean Peyrat, baron de la Redorte, fit une véritable opération immobilière. Il racheta à son frère Claude, seigneur de La Boulaye  la maison qui donnait directement sur la rue de Seine pour 8000 livres. Sa sœur, Madeleine Peyrat que sa mère qualifiait à juste titre dans son testament de « pauvre », était étranglée de dettes et lui vendit le même jour pour 24000 livres la grande maison entre cour et jardin. Les deux cessions furent signées le 5 octobre 1655. Le 11 du même mois, il racheta pour 6000 livres à Angélique, sa nièce, et à son mari la maison à l’enseigne de L’Image Sainte Barbe. Il se trouva ainsi propriétaire de la totalité des maisons situées sur les parcelles du 51 rue de Seine et des 50 et 52 rue Mazarine.

Louis Edouard Olier, locataire du 51 rue de Seine

L’année suivante, il loua moyennant 1000 livres par an la maison entre cour et jardin y compris la cour, le jardin, le passage de la porte cochère et toutes les appartenances et dépendances à un prestigieux personnage. Il s’agissait de Edouard Nicolas Olier, conseiller du roi et grand audiencier de France, donc premier officier de la grande Chancellerie.

Continuant et perfectionnant son opération immobilière, il céda à un certain Louis Gervaise et à son épouse pour 33 0000 livres les deux bâtiments de la rue de Seine37  Le 1eroctobre, il échangea la maison du 52 rue Mazarine contre 500 livres de rente annuelle rachetable 9000 livres. Le preneur était le sieur Colonia, seigneur du Cormier et gentilhomme de la chambre de la duchesse d’Orléans, et à sa femme Claude de Rhingrave. Le même jour il cédait la maison à L’Image Sainte Barbe de la rue Mazarine à René Lebret, sieur de La Fresnaye et à Anne de La Motte sa femme. En échange il recevait 200L de rente annuelle et 2500 livres de soulte. Cette dernière maison (50 rue Mazarine) ne fut jamais récupérée par les propriétaires successifs du 51 rue de Seine, ce qui ne fut pas le cas du 52 rue Mazarine comme on le verra plus loin.

1658-1741.  La famille Gervaise

Louis Gervaise était un bourgeois de Paris, marchand linger, huguenot de surcroît, situation qui se révèlera très inconfortable au temps de Révocation de l’Edit de Nantes. Il avait pour épouse Marguerite-Marie Desfresnes. Le couple vivait dans leur maison de la rue de Seine des jours heureux et bientôt on fêta l’arrivée au foyer d’un garçon, Louis, puis d’une fille, Marguerite-Marie qu’ils eurent la satisfaction de marier  à Isaac Le Mosnier, secrétaire des finances du duc d’Orléans.

 Assez vite, le nouveau marié prit l’habitude d’emprunter à son beau-père de l’argent. Par exemple, 1000 livres pour investir dans la conversion du fer en acier l’année de son mariage puis sept ans après, 1 800 livres pour s’offrir un carrosse et des chevaux . Une fois son beau-père à Londres, ce fut à sa belle-mère qu’il s’adressa pour lui demander 500  livres. Enfin, un dernier prêt (de 500 livres) fut demandé par sa femme en 1688…

Les époux Gervaise, soucieux de mettre en ordre leurs affaires, vinrent chez leur notaire rédiger leur testament. Après avoir recommandé leur âme à Dieu, ils revinrent rapidement aux biens terrestres en léguant à chacun de leurs dix filleuls 60 livres «pour apprendre un mestier» ; 300 livres furent attribués à leurs trois neveux et nièces, à délivrer le jour de leur mariage ; à leur fils Louis, ils léguèrent 40 000 livres, sans doute pour compenser la dot donnée à leur fille.

Les affaires marchaient bien chez les Gervaise puisque lorsqu’il passa la main à son fils, l’inventaire des marchandises, fait en 1675, s’élevait à la somme confortable de 46 195 livres.

Cependant le malheur ne tarda pas à fondre sur eux. En 1685, Louis XIV révoqua l’édit de Nantes. En tant que huguenots et comme tant d’autres protestants, les époux Gervaise subirent  la vindicte du roi (leur fils Louis avait gagné l’Angleterre avec sa femme Jacqueline Mariette dès 1681). Le Dictionnaire du Protestantisme nous informe que « Louis Gervaise, marchand linger était un ancien de l’église de Paris. Son grand âge (70 ans) ne le fit pas excepter de la mesure qui frappa ses collègues. Trois jours après la révocation, il fut convoqué par La Reynie qui devant son refus d’abjurer exila le père à Gannat par une lettre de cachet  le 10 novembre 1685. Annihilé par tant de mauvais traitements, le pauvre vieillard abjura. Il fut alors transféré au couvent de Saint-Magloire. Désespéré d’avoir cédé, il se prépara à prendre la fuite mais il fut à nouveau arrêté et conduit à l’Oratoire de la rue Saint-Honoré le 10 novembre 1686. L’année suivante, on l’envoya dans le couvent de Lagny et comme il se montrait inflexible, il fut conduit au château d’Angoulême et on saisit les loyers de la rue de Seine pour payer la pension. De guerre lasse devant tant d’opiniâtreté, on l’expulsa du royaume en 1688. Il se retira à Londres près de son fils qui, non moins zélé pour la religion évangélique, s’y était enfui avec son beau-père, Isaac Mariette, et toute sa famille. Louis XIV lui confisqua tous ses biens, au grand désespoir de sa femme.

Le château de Gannat

Marguerite-Marie, femme d’Isaac Le Mosnier,  ne donna pas le même exemple de constance dans ses croyances religieuses. Elle abjura en même temps que sa mère. Son mari avait une bonne place auprès du duc d’Orléans, il la préféra à sa religion et suivit l’exemple de sa femme et de sa belle-mère. Louis XIV dans sa grande mansuétude, leur restitua leurs biens par un brevet daté du 26 octobre 1688.

La dame Gervaise mourut rue de Seine en mars 1694.38. Des dispositions testamentaires prises par dame Gervaise firent de ses deux petites filles Marie-Marguerite et Anne Le Mosnier-Duquesne les propriétaires de cette maison. Selon l’inventaire qui fut fait après le décès de leur mère, celle-ci occupait alors avec ses filles un appartement au premier étage du bâtiment entre cour et jardin qui se composait d’une antichambre et d’une petite pièce attenante occupée par la cadette, d’une cuisine et d’une petite pièce  qui avaient vue sur cour, une salle donnant sur le jardin ainsi qu’un cabinet qui servait de chambre à l’aînée avec une fenêtre sur le jardin, enfin une chambre qui se situait, selon les termes exacts de l’inventaire au rez-de-chaussée du premier étage  39.

Comme on le verra par la suite, malheur lui en prit car le sieur Catherinet était mauvais payeur.

1741-1764. Le sieur Catherinet

Jean-Baptiste Catherinet, seigneur de Vennevaux et substitut du procureur au Parlement de Paris, possédait et habitait la maison de la rue Mazarine qui était au bout du jardin et qui porte actuellement le numéro 52. Il l’avait héritée de sa mère, Jeanne Marie Van Mirt, veuve de François Catherinet. C’est le sieur de Colonia, son oncle, qui lui en avait fait donation « à cause des bons soins qu’elle lui avait prodigués ».

 Pour le sieur Catherinet il était tentant de posséder presque l’intégralité de la propriété telle qu’elle était du temps des Peyrat.

Lors de la vente, la propriété de lu 51 rue de Seine était décrite de la façon suivante : à l’enseigne de l’Hôtel de Nîmes, elle consistait en deux corps de logis, l’un  sur la rue de Seine avec cour derrière et l’autre entre cour et jardin. Une petite cour avait été aménagée pour accéder à deux pavillons en aile de chaque côté. Le jardin  aboutissait à la maison du sieur Catherinet et à celle de la veuve Pilot qui avaient toutes deux leur entrée rue Mazarine. La dame Pilot avait la jouissance d’un puits situé au fond du jardin de la rue de Seine (elle était donc au 50 rue Mazarine).

            Cette description est fort intéressante, d’une part parce qu’elle fait allusion pour la première fois à des pavillons sur le jardin et d’autre part parce qu’elle coïncide bien avec le plan de 1822 qu’en a fait l’architecte Bergevin, le propriétaire de l’époque.

Hélas, le sieur Catherinet avait été trop gourmand, il était endetté jusqu’au cou et n’arrivait même pas à payer la maison. Pour parer le coup, il passa un accord avec le comte de Flassans selon lequel il rembourserait une partie de sa dette sous la forme d’une rente. En outre il donnait au comte et à la comtesse de Flassans un appartement au deuxième étage de sa maison de la rue Mazarine et leur assurait nourriture, chauffage, le blanchissage et « tout besoin de la vie tant en santé que maladie, le tout pendant la vie et jusqu’au décès dudit seigneur de Flassans ».

 Apparemment les affaires de Catherinet ne s’améliorèrent guère dans les années qui suivirent : après sa mort, ses créanciers saisirent les maisons de la rue de Seine et de la rue Mazarine et le 10 février 1764 ses biens furent vendus par ses créanciers moyennant la confortable somme de 121 500 livres au sieur Anglekot et à dame Chevry, sa femme en secondes noces.

1764-1822. La famille Anglekot-Dugast-Bergevin

A l’occasion de cet achat, le sieur Anglekot, marchand tailleur, fit une déclaration au terrier de la censive de l’abbaye de Saint Germain des Prés qui nous apporte quelques nouveautés. Ainsi, le bâtiment entre la cour et le jardin comprenait alors une aile de chaque côté. Si le corps de logis entre la cour et le jardin était toujours double en profondeur, le bâtiment sur rue était simple en profondeur, ce qui encore le cas aujourd’hui. Les deux constructions avaient plusieurs étages de chambres. Le grand jardin était maintenant séparé de l’immeuble de la rue Mazarine par une grille.

Plan de l’immeuble de 1757

De son second mariage, le sieur Anglekot eut deux enfants : Albert-Henri et Françoise. Il ne vécut pas longtemps avec sa famille au 51 rue de Seine puisqu’il décéda quatre ans après l’avoir achetée. Sa seconde femme, Françoise Chevry, devint alors propriétaire des maisons des rues de Seine et Mazarine. Devenue veuve, elle demanda à deux architectes experts de faire une visite et une estimation des maisons des rues de Seine et Mazarine. Le procès-verbal d’expertise daté du 20 mars 175740 nous révèle plusieurs points fort intéressants : la maison sur rue qui était simple en profondeur avait 5 fenêtres sur la rue. Il comportait 3 étages carrés et un quatrième « en galetas » et une pointe de grenier au-dessus (comme maintenant). Au derrière, à gauche, se trouvait un édifice de même élévation avec en continuité une remise surmontée d’une terrasse et 5 étages de cabinets moins saillants. Dans l’angle à droite de la cour, un autre édifice contenait une cage d’escalier qui desservait le bâtiment sur rue (c’est le cas actuellement). Dans son prolongement, on trouvait un édifice en aile d’un étage au-dessus du rez-de-chaussée et au-dessus deux étages de cabinets moins saillants. Au fond de cette cour, le second corps de bâtiment était double en profondeur et élevé d’un rez-de-chaussée, de trois étages carrés et d’un 4e en attique. Derrière cet édifice on trouvait une deuxième cour et un jardin dans lesquels, à droite et à gauche il y avait deux ailes de même élévation.

Le troisième et dernier corps de logis se situait rue Mazarine. Il était séparé du jardin par une grille en fer et composé d’une cour avec à droite et à gauche deux édifices en aile, élevés de 3 étages et d’un 4e en mansarde. Au fond de cette cour se trouvait le bâtiment sur la rue Mazarine à quatre croisées sur la rue. Lorsqu’elle décéda, son fils fut l’unique héritier puisque la fille avait disparu avant sa mère. À la mort d’Albert-Henri en 1783, il ne restait plus qu’une héritière, sa nièce, Marie. Un magnifique plan commenté accompagnait le procès- verbal. Nous l’avons reproduit ci-dessous.

Françoise Dugast qui était fille de Thibault Dugast, « maître en l’art de peindre » à Laval. Cette demoiselle vint s’installer en la maison de la rue de Seine et épousa en 1784 le sieur Bergevin qui était un des locataires de l’immeuble.

Louis Catherine Bergevin était fils d’un marchand de drap de Blois. C’était un architecte de talent puisqu’il construisit l’hôtel du vicomte et la vicomtesse de Faudoas, rue Bailleul qui est encore qualifié « du plus bel hôtel de style Louis XVI». De même, il eut pour cliente la marquise de Créquy à qui il prêta 7350 livres représentant le coût des travaux et de ses honoraires d’architecte. C’était en 1790 à l’aube de la révolution. Le remboursement ne devait intervenir que 5 ans après. On peut se demander s’il récupéra son argent … Mais revenons au mariage de Françoise Dugast avec Louis Catherine Bergevin. Le contrat  fut passé devant maître Bancal-Desissards  41, il stipulait une donation entre vifs . Dans un autre article, l’immeuble de la rue de Seine y est évoqué dans des termes peu rassurants sur son état, comme on peut en juger :« La demoiselle future épouse considérant que l’ancienneté de la construction de «ladite maison rue de Seine […] et que les réparations, augmentation et changemens (sic) qu’il  pourra être nécessaire d’y faire pendant son mariage, exigeront de la dépense et en outre  des soins extraordinaires qui regarderont seul ledit sieur son mari ». Si son époux lui survivait sans enfant, le mari aurait la maison pour la somme de 80000 livres « et en cas contraire pour la somme de 160 000 livres. Madame Bergevin mourut le 7 juin 1786 sans laisser d’enfant. Sa mère recueillit la totalité de la succession puisqu’il n’y avait aucun autre héritier. Mais il en surgit un quelques années après ! C’était Claude Etienne Pasquier, marchand tanneur au Mans. Entre-temps, M. Bergevin réclama de conserver les maisons moyennant la somme de 80 000 F (comme l’y autorisait son contrat de mariage).  Il dut s’en acquitter auprès de ce lointain parent et devint propriétaire à part entière des deux maisons.

Il entreprit alors un autre combat concernant les droits à payer. Puisqu’il avait l’usufruit, il n’était redevable, disait-il, que de la moitié des droits alors qu’on les lui réclamait sur la totalité. Il se battit comme un beau diable et l’affaire fit grand bruit. Mais il n’obtint pas gain de cause42.

Le premier thermidor de l’an VI (19 juillet 1798), il vendit la maison du 52 de la rue Mazarine (qui portait alors le n° 1556) à un certain sieur Aumond ainsi qu’une langue de terrain, prise sur le jardin, mesurant 1 m 95 de profondeur sur toute la longueur de la maison43. La vente de ce minuscule bout de terrain sera bien préjudiciable aux futurs propriétaires de la rue de Seine puisque le bâtiment qui se construira plus tard au fond du jardin, sera profond de 2 mètres au lieu des 3m95 qu’il aurait pu avoir.

Le 19 floréal an X, il loua à un certain Pierre Gaillard, pharmacien de son état,  la totalité des bâtiments sur rue du 51 rue de Seine qui portait alors le numéro 1464. Le preneur disait bien la connaître puisqu’il jouissait depuis le premier nivôse an VIII «d’une boutique et autres lieux en dépendant» moyennant un loyer annuel de 600 F. De ce fait, le loyer monta brutalement à la somme de 3450F. Cette extension considérable du bail laisse à penser que le pharmacien prévoyait une augmentation de ses activités. Peut-être la fabrication du médicament Le Roy. Cependant, M.Bergevin continua à résider dans les lieux puis décida de les vendre à un certain Louis Le Roy, chirurgien consultant, demeurant aussi dans la maison.

1822 à nos jours. La famille Le Roy-Cottin-Marin

La vente se fit le 8 février 1822 par devant Me Boulard pour 110 000F44. La  maison et ses dépendances situées rue de Seine portaient alors le n°49 au lieu du 51 actuel.  Elle consistait en  corps de logis sur la rue, simple en profondeur, cour derrière à droite et à gauche de laquelle il y avait plusieurs petits corps de bâtiments ; à la suite de cette cour, on trouvait un autre grand corps de logis double en profondeur et plusieurs petits bâtiments faisant aile à droite et à gauche, petite cour derrière ce grand deuxième corps de logis séparée du jardin par une grille en fer, et jardin clos de mur. Le tout contenant en superficie huit cent soixante-treize mètres soixante onze centimètres carrés (deux cents trente toises carrées) environ.

Portrait de M. Le Roy (collection particulière)

Louis Le Roy était né en 1766 à La Ferté-Saint-Samson (Seine-Maritime). Une tradition rapportée par la famille des propriétaires actuels veut que jeune homme, il soit venu à pied à Paris et qu’il rassembla quelques économies pour assister à une représentation à l’Opéra. Un homme, beaucoup plus âgé et pharmacien de surcroit  y était aussi. Il s’appelait Jean Pelgas. Ils se rencontrèrent. Pelgas fut frappé par l’intelligence et la distinction du mélomane. Ils sympathisèrent d’autant que Pelgas disait avoir inventé  la formule d’un médicament souverain contre toutes les maladies et Louis Le Roy était médecin …

Très vite, Louis Le Roy eut l’idée géniale de fabriquer en série les médicaments que Pelgas produisait à l’unité et de les vendre à un fort modeste prix. Il leur donna le nom de  « Médecine Le Roy ». C’était une première dans le monde pharmaceutique et une innovation qui lui valut bien des jalousies et des ennuis de la part de ses confrères.45

Les relations entre Pelgas et le fort bel homme Louis Le Roy devinrent si confiantes et affectueuses que ce dernier épousa Madeleine Pelgas. Nous étions alors en 1798. La fille du chirurgien n’était point une beauté mais elle avait d’autre attraits … Le médicament Le Roy eut tant de succès qu’il se répandit en France, en Europe et même en Amérique…

Le Roy qui avait installé ses laboratoires dans l’immeuble en  acquit la totalité  de M. Bergevin . La vente se fit le 8 février 1822 par devant Me Boulard pour le prix de 110 000F46.

L »épouse du chirurgien décéda la même année en laissant pour héritière une fille mineure, Désirée  Le Roy. Et l’histoire se répéta : un certain Jean-Baptiste Cottin né en 1790 en Bourgogne au château de la Berchère, vint à Paris pour y faire ses études de médecine, il était locataire de Louis Le Roy et fit ainsi la connaissance de sa fille … et l’épousa.

             De son mariage naquît en 1817 Désiré Cottin qui ne suivit pas la tradition puisqu’il fut secrétaire particulier du maréchal Soult. Il habitait le château de Cossigny et menait grand train. Lorsque son père mourut en 1837, la fabrication de la Médecine Le Roy fut confiée à un pharmacien du nom de Signoret.

Le bail d’une grande partie des locaux de l’immeuble fut renouvelé en 1869   47. Les lieux comprenaient alors la boutique sur rue à gauche, l’arrière-boutique, deux pièces au fond servant de cabinet de consultation et un logement au premier sur rue (le tout est actuellement occupé par une galerie d’art). Le bail englobait aussi le rez-de-chaussée à droite dans l’immeuble entre cour et jardin qui servait de laboratoire plus un bâtiment en aile à droite sur le jardin contenant un rez-de-chaussée et un étage qui  servait d’atelier (l’ensemble est loué actuellement par un cabinet d’architecte)). En outre un bâtiment d’un rez-de-chaussée et 2 étage fut construit au fond pour servir de magasin.

Facture concernant le médicament Le roy

Désiré Cottin épousa en 1843 Henriette Angar. Lorsque sa femme décéda le 12 octobre 1882 en leur château de Cossigny, il procéda à une donation-partage entre ses deux enfants. Le fils, Henri Cottin-Angar, eût l’immeuble de la rue de Seine estimé alors à 320 000F.

Portrait de Pelgas

La famille Le Roy-Cottin

Henry Cottin-Angar, qui était marié avec Antoinette Dyer, avait eu deux filles. Berthe Cottin-Angar, née de cette union en 1874, épousa Charles Marin, qui était veuf et père de cinq enfants. Elle les adopta.

Lorsqu’elle décéda le 23 août 1952, la maison devint alors la propriété indivise des quatre enfants encore vivants et d’un petit-fils : Denise Jourde, Bernadette Lebrun, Edmond Marin, Hervé Marin, fils de Xavier Marin mort  pendant la guerre de 1940 aux commandes de son avion, et Christian Marin .

L’immeuble resta longtemps en indivision mais en mars 2003 il fut procédé au partage de l’immeuble entre les indivisaires qui étaient au nombre de 17 ! Il était temps …

Le passant curieux qui entre dans la première cour de l’immeuble peut voir une grande plaque de marbre noir sur laquelle on lit en lettres d’or :

Véritables médicaments LE ROY

Seule maison fondée à Paris

1745- 1798- AN X

Elle intrigue et chacun aimerait percer son mystère. À notre connaissance, personne ne sait pourquoi la date de 1745 est inscrite sur cette plaque. Par contre les références des autres dates sont peut-être éclaircies : 1798 pourrait signer la date de la première location que fit Louis Le Roy du 51 rue de Seine. En effet, à l’époque de son mariage, Le Roy loua une partie des locaux du 51 et y commença la fabrication de son médicament tout en demeurant dans l’immeuble sur le jardin. L’an X pourrait nous dire que c’est l’année où Le Roy et Pelgas ont remis au Corps Législatif leur doctrine.

Cependant, la fabrication de la « Médecine Le Roy » émigra à Tournan-en-Brie bien avant la guerre de 1940.

Des locataires marquants au XXe siècle

Divers locataires célèbres occupèrent l’immeuble au XXe siècle : à partir d’une date indéterminée mais antérieure à 1963 et jusqu’à sa mort, le peintre Serge Poliakoff habita le premier étage du bâtiment qui donne sur le jardin et fit son atelier de la pièce du fond de l’aile gauche. Ses voisins le voyaient de temps en temps sur son balcon préparer les fonds de ses tableaux. Son fils habitait également le même bâtiment  au 3e étage avec sa famille.

Serge Poliakoff

Pendant des dizaines d’années, le local à gauche du porche d’entrée était la galerie des frères Stadler. Leur exposition des bijoux de Braque en avril et mai 68 eut un grand retentissement

Ils confièrent en été 1971 leur galerie à Michel Jaffrenou qui y installa une scénographie hallucinante mettant en scène une jungle  de sculptures florales et cannibales. On entendait des sons des cris déchirés et déchirants et les lumières pouvaient faire peur à un vampire.

Avant de terminer notre long voyage au fil du temps, nous avons voulu illustrer l’évolution topographique des lieux. Vous trouverez ci-dessous quatre plans :

–  Le premier est celui de 1767 de la série Z1j des Archives Nationales (1727).

–  Le second, dressé par M. Bergevin, émane de la série F 31 (Cadastre) des Archives Nationales (1822).

–  Le troisième est un plan de la série 2482 W21 des Archives de Paris intitulé cadastre 1900.

-La quatrième est tiré du cadastre de 1950 des Archives de Paris

–  Le dernier est un plan dressé par l’Institut nationale géographique qui a servi au partage de 2003.

Les constructions successives sont marquées en orange.

Ainsi s’achève notre périple qui  fut long mais fructueux et passionnant. En essayant de redonner vie à ces quelques mètres carrés parisiens, nous espérons que comme Ulysse vous avez fait un beau voyage.

MONIQUE ETIVANT

Dessin du jardin du 51 dressé par Luc Etivant

  1.  Bailler à cens=le  propriétaire devra payer chaque année le cens  (une sorte de redevance foncière) à la seigneurie  dont il dépend  (en l’occurrence l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés 

  2. A.N. : S2863 3/05/1510 

  3. La future rue Mazarine, aussi appelle « chemin des buttes » 

  4.  A.N. : S2974 

  5. A.N. ; M.C. : VIII/290 25/09/1543 

  6. alias Trepigne ou Terpigna 

  7. La corporation des bonnetiers faisait partie d’une sorte d’aristocratie industrielle et défilait en 5e position depuis l’entrée de la reine Marie d’Angleterre à Paris en 1514 

  8. A.N. ; LL1125 

  9. A.N. ; M.C. ; VIII/213 

  10. Les renseignements biographiques sur Jean Milles sont largement tirés du Bulletin de la Société d’émulation du département de l’Allier (5)  

  11. A.N. : Z/1e/323 fol.213 

  12. A.N. : Y 98 fol. 207. Insinuation du mariage 

  13.  A.N., M.C. :VIII/213 , 21/09/1551 

  14. A.N., M.C. : XLIX/280 18/10/1557 

  15. , il rencontra à nouveau Me Lenain et Scipion de Frontigères, marguillier de cette église et signa l’acte qui reconnaissait qu’il avait versé 285 livres 5 sols  pour le rachat des 2/3 de la rente de 21L, à savoir 280 livres tournois[2] pour le « sort principal » de la rente et le reste pour les frais. Il était précisé que la fabrique de l’église devait remployer la somme versée afin de continuer la fondation qu’avait faite Gilles Le Maistre et sa femme.

    Nous savons peu de choses sur ce banquier en cour de Rome qui habita rue de La Harpe puis rue de Seine comme en témoigne un acte qu’il signe en 1580 :

    et dont voici la transcription : Fut présent en sa personne noble homme Me Jehan Lhuillier, banquier, bourgeois de Paris demeurant à St Germain des Prés en la rue de Seyne .

                Lorsqu’il mourut le 5 juin 1580, il fit de son neveu Gabriel Lhuillier son légataire universel. 

    Gabriel Lhuillier était avocat au Parlement et banquier expéditionnaire en cour de Rome. Il s’aperçut assez vite que les marguilliers de Saint-Côme et Saint-Damien n’avaient pas fait de remploi de la somme versée par son oncle pour le rachat de la rente. Il leur demanda une indemnité qui lui fut versée sous la forme de 80 écus d’or soleil.

    Gabriel Lhuillier mourut le 14 juin 1611. Par son testament qu’il avait rédigé le 2 avril 1611, il demandait « qu’en raison de la dévotion et la bonne affection  envers l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés », il voulait y être inhumé. Dans ce but, il lui léguait 50 livres tournois de rente annuelle et perpétuelle à la charge de dire et célébrer par les religieux et leurs successeurs trois services par an, le premier le jour du décès de feu Me Jean Lhuillier son oncle mort le 5 juin 1580, l’autre le jour du décès de son propre décès et le 3e le lendemain ou autre jours suivants après le jour des morts, le tout à l’intention de prier Dieu pour son âme , celle de ses père et mère , son oncle et tous ses autres parents. 

    La clause du testament fut exécutée par Claude Lhuillier, banquier expéditionnaire en cour de Rome et Gaspard Lhuillier qui était étudiant en droit à l’université d’Orléans[3]. Cette rente était à prendre sur une maison une maison située rue de La Harpe dans laquelle avait habité Gabriel Lhuillier. 

    On vit d’année en année Claude Lhuillier s’acquitter de cette somme. Par son testament, il donna à l’abbaye 6000 livres, à charge qu’on ferait célébrer tous les jours et à perpétuité une messe. Il fit de plus faire un caveau pour lui, son oncle et son grand-oncle « en la troisième chapelle à main droite à côté du chœur joignant celle du comte Douglas[4] » Les clauses du contrat furent signées devant Le Gay et Saint Leu, mais il ne put signer « à cause d’une indisposition qu’il avait au bras et à la main »…

    Où une rente revient sur la scène :

    C’est probablement vers 1580, à la mort de Jean Lhuillier, que la maison changea à nouveau de propriétaire. La France connaissait alors une période fort troublée puisque nous étions en pleine lutte entre les protestants et catholiques. Le quartier de Saint-Germain-des-Prés abritait de nombreux habitants de la religion réformée  ((On disait de ce quartier que c’était la petite Genève. 

  16.  Pierre de L’Estoile, Mémoires-Journaux TomeVII page 65 

  17.  Ibid. TomeVII page 164. « Le 29 juin 1604, M. le Dauphin passa par Paris pour aller à Fontainebleau, où le roy l’avoit mandé. Il estoit dans une litière découverte, où Madame de Malissis, sa Gouvernante, le tenoit, et il y eut force vivat criés par la peuple à son arrivée ». 

  18. A.N., M.C. : CV/79  le 26/11/1598 

  19. On est frappés par la similitude de la topographie des lieux avec celle qui existe actuellement : un bâtiment sur rue, un bâtiment derrière avec une cour au milieu et un jardin derrière 

  20. Lui-même héritier de Claude André 

  21.  A.N. (Archives nationales), S 3059 

  22. A.N. : S3058, terrier de 1628. 

  23. alias François de Peyrat 

  24. Le contrat de mariage fut signé devant le notaire Claude de Troyes le 22 juillet 1595. Malheureusement son état de conservation ne permet pas sa consultation. 

  25. A.N., M.C. I/60 Contrat de constitution à Nicolas Vedeau par François Peyrat du 10 juin 1604. 

  26. L’acte n’a pas été retrouvé. Ces assertions sont basées sur le contrat de revente. 

  27. A.N. : K998 

  28. Geneviève Le Maistre, fille de Gilles Le Maistre et Marie Sapin avait épousé Jacques de et eurent pour fille Marie de Lavergne qui épousa Jean du Tilllet. C’était donc la petite-fille de Gilles Le Maistre. 

  29. Le récit de ce passage est tiré des registres paroissiaux de Saint-Martin-la -Place. Le curé ne dit pas quelles sont les raisons données par las médecins de Tours. 

  30. A.N. : M.C. CXXII/1581. Bail du 9 septembre 1613 

  31. Marguerite de Lorraine avait épousé en premières noces Anne de Joyeuse, favori d’Henri III, mort en 1587, lors d’un combat contre Henri de Navarre, futur Henri IV,  à Coultras. Elle s’unit en secondes noces à François de Luxembourg, sa sœur avait épousé Henri III 

  32. Bâtiment B actuel 

  33. Voir l’histoire des 14, 16 et 18 rue de Seine 

  34. A.N., M.C., CXXII/1622, Partage du 27/07/1631 

  35. A.N., M.C.,  XCI/281. Testament de Philippe Le Ragois rédigé le 23 avril 1648 et déposé chez le notaire le 29 mai 1649 

  36. A.N., Z1j/270, expertise des immeubles de Philippe Le Ragois 

  37. Par un contrat passé devant maître De Saint Vaast, le 26 septembre 1658 

  38. Le notaire procéda à l’inventaire qui montra que dame Gervaise vivait fort modestement.  Son logis se composait d’une salle, une cuisine et un cabinet avec une chambre au-dessus. Tout le reste des maisons sur rue et sur jardin était loué et lui procurait sans doute son unique revenu. Sur la rue, un tapissier et un coutelier occupaient les lieux et le reste  était loué à des particuliers pour 48 et 78 livres. Le corps de logis entre cour et jardin rapportait beaucoup plus : deux locataires versaient 300 livres par an, deux autres payaient un écot de 285 et 200 livres, Mad. De Lisle et M. Fleury contribuaient aux revenus de dame Gervaise à hauteur  de 135 et 105 livres. Quatre personnes occupaient vraisemblablement de simples chambres puisqu’ils louaient leur modeste logement pour 75, 60, 45 et 14 livres 

  39. Il existe encore actuellement un petit escalier qui joint directement le 1er étage au « demi-étage » sur jardin.

    Marie-Marguerite se maria l’année qui suivit la disparition de sa mère avec noble et illustre seigneur messire Joseph Charles Hyacinthe, comte de Raxy, seigneur de Flassans

    Les déclarations du 25 juin 1721 au terrier de l’abbaye de Saint-Germain-des Prés par Anne et sa sœur Marie-Marguerite nous confirment qu’elles avaient partagé la maison un peu à la façon des Peyrat : l’une avait le corps de logis sur la rue et l’autre celui qui est entre cour et jardin. Seule Anne y demeurait. Sa sœur habitait rue Taranne, tout près de là.

    Quand Anne mourut, la comtesse de Flassans, sa sœur, devint seule propriétaire.

    En 1741, la moitié du corps de logis sur la rue était occupée par un aubergiste qui vraisemblablement n’y exerçait que sa profession puisqu’il demeurait rue Champfleury. L’autre moitié était baillée à un maître chaudronnier. Quant au rez-de-chaussée à droite du corps de logis entre cour et jardin il était loué par un maître à danser ainsi qu’une place dans l’écurie pour un cheval et une autre dans la première cour pour une chaise à porteur ! C’était, dit-on, les seuls locataires en 1741 mais le comte et la comtesse de Flassans qui demeuraient alors dans l’immeuble occupaient le reste.

    Hélas, le comte était très endetté, à tel point que le 3 décembre 1739, il faisait donation de sa maison au sieur de Breguet pour payer ses dettes. Quelques mois après, le 10 mai 1741, le sieur Bréguet se désistait de la donation et finalement le 12 Mai 1741 ((A.N. ,M.C.,  la totalité de la maison fut vendue au sieur Catherinet 

  40. A.N. : Z1j 908, 20 mars 1757 

  41. A.N., M.C. : LVII/571 contrat de mariage du  24/11/1784 

  42. A.N. : S2863 

  43. A.N., M.C. : Me de Faucompret, 19 Floréal an X 

  44. A.N., M.C. : LXXIII/1281 le 8/02/1822 

  45. Le Roy décrit en détail les « persécutions  » dont il fut l’objet dans un imposant ouvrage daté de 1827. Il y présente également sa méthode : « La médecine curative, méthode médicale du chirurgien Le Roy ». C’est un ouvrage étonnant puisqu’il fournit de multiples attestations de la parfaite guérison de personnes atteintes des maladies les plus diverses comme la gravelle ou les écrouelles en passant par la folie, l’épilepsie ou la tuberculose ! 

  46. A.N., M.C. : LXXIII/1281 le 8/02/1822 

  47. A.N., M.C. : LXXVI/843 Bail à Signoret 

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