Les 61, 63 et 65 rue de Seine (et 68 rue Mazarine)

Photos du 61-63 rue de Seine et du 65 qui est l’immeuble plus blanc à une fenêtre de façade

En 1530, la rue de Seine commençait à la rivière mais s’arrêtait alors à la rue de Buci. Ce n’était qu’un simple chemin de terre bordé à l’ouest par une tuilerie et le célèbre petit Pré aux Clercs où s’ébattaient (et se battaient) les étudiants de l’Université.

Les premières maisons furent bâties sur le côté oriental de la rue vers 1530 parce que la réouverture de la porte de Bussy facilita aux Parisiens l’accès au bourg Saint Germain dont le calme, le bon air et les distractions offertes par sa foire en firent un lieu à la mode. Bourgeois de Paris, nobles et gens de robe s’installèrent en ces lieux hospitaliers. Bordé de belles maisons neuves, le chemin méritait de prendre l’habit d’une rue, ce que l’on fit en 1545 en le pavant.

Les comptes de 1532-1533, que les moines tenaient avec tant de soin, nous révèlent la topographie des lieux compris entre les rues de Seine, Mazarine et de Buci. ainsi qu’elle est reconstituée sur le plan ci-dessous :

Plan de Belleforest (1575)

Les Prevost, premiers occupants des lieux 

Les premières mentions d’existence d’un propriétaire de l’emplacement des numéros 61, 63 et 65 rue de Seine et 68 rue Mazarine datent de cette période heureuse, très exactement du 10 mai 1530  selon les comptes de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés1.

C’est en effet à cette date que le libraire Nicolas Prevost acquit ce terrain n’était point bâti et tenait d’une part à droite en le regardant à Philippe Lenoir, libraire de son état, et d’autre part à Thomas Blanche2. L’aumônier de Saint-Germain-des-Prés avait affirmé que cette pièce de terre avait une superficie de 37,5 perches mais il se révéla un an plus tard qu’elle ne contenait que 25 perches 3/4. Point content du tout, Nicolas Prévost en avait appelé aux religieux, à l’abbé et au couvent de Saint Germain des Prés afin qu’on procéda à un arpentage officiel . Ceci fut fait en octobre 1531. On lui donna gain de cause et l’on fixa le cens à la somme de 51 sols et 6 deniers au lieu de 75 sols parisis demandés en 1530, payables chaque année au jour de la Saint Remy. 

Son acquisition par le libraire-éditeur n’était sans doute pas le fruit du hasard mais plutôt celui d’une mode qui s’était installée parmi la confrérie des libraires  que François Ier avait tant promus. Dans l’espace délimité par le quai de Seine, les rues de Seine et de Buci et Mazarine on ne comptait pas moins d’une petite demi-douzaine d’entre eux qui avaient acquis des terrains pour y construire une maison : les libraires Gilles et Jean Pascot ainsi que Jean Champion avaient choisi la rue de Buci. Le libraire Philippe Lenoir était son voisin immédiat. Quant au célèbre Pierre Roffet, relieur attitré de François Ier, il possédait un peu plus loin sur la rue de Seine un terrain de 12 perches 1/4. Sur l’autre rive de la rue, se trouvait Jean Longis, doreur sur cuir.

Nicolas Prévost n’était pas un inconnu, c’était même un libraire assez célèbre qui travaillait avec des couvents comme ceux des Celestins et des Jacobins et faisait aussi grand négoce de livres d’usage, comme des Missels, Bréviaires, Diurnaux et Heures. Sa marque était fort belle si on en juge la reproduction trouvée dans l’ouvrage de L.-C. Silvestre.

La marque de Nicolas Prevost

Il mourut en 1531, sa veuve Marie Houppil vendit la parcelle en 1532 mais sans avoir pris en compte le malheureux changement de superficie. Peut-être n’était-elle pas au courant …

Déclaration Houppil (A.N. ; S 3086/5)

Où la famille Sosson devient propriétaire

Le nouveau propriétaire, Michel Sosson, était seigneur de Rouville en Beauce près de Pithiviers et exerçait la charge de procureur au Grand Conseil du roi qui l’amenait à suivre François Ier dans ses déplacements. C’est ainsi que sur les registres du Grand Conseil on le trouve à Orléans, à Melun et à Paris sur un laps de temps de quelques semaines seulement. Ainsi en 1544, on le trouve à Lyon pour défendre les compagnons imprimeurs qui demandaient d’avoir moins d’apprentis et faisaient grève 3. Le conflit se termina en faveur des éditeurs-libraires …

   À l’imitation de ses voisins qui avaient déjà fait construire une habitation et clore de murs leur terrain, Michel Sosson fit bâtir une maison entre 1538 et 15394. Petite, couverte d’ardoise, entourée d’un jardin, elle avait son entrée principale sur les fossés de la ville et une issue sur la rue de Seine.

Quelques années après, en 1541, Michel Sosson entreprit de faire construire « ung hostel assis à Saint-Germain-des-Près à costé de la rivière de Seine ». Il signa chez maître Boreau un devis descriptif précis quant aux  travaux de maçonnerie et de charpenterie à réaliser mais vague quant à l’emplacement exact5. On peut cependant supposer qu’il s’agissait pour lui de bâtir du côté de la rue de Seine. Il choisit pour le réaliser Jehan Péan, maçon et Jehan Lanquier maître charpentier. L’hôtel devait mesurer 21 pieds de long (environ 7m) sur 15 pieds de large (un peu monis de 5m) , « dedans oeuvre » et les murs de fondation 2 pieds « d’espoisseur ».

Malgré sa charge importante de procureur au grand conseil du roi, Michel Sosson et sa femme habitaient plus volontiers Orléans ou leur château de Rouville situé au nord du Loiret que Paris.

Il décéda entre 1551, date du dernier acte signé en la présence de Michel Sosson, et 1555,  date à laquelle sa femme, dite alors sa veuve, fit son propre testament 6.

Soucieuse du repos de son âme, elle recommandait son âme à Dieu, à Marie, à « Michel l’Ange » et à tous les saints, demandait qu’on lise cinq Ave et cinq Pater.  Vingt messes basses seraient célébrées le jour de son enterrement et un service solennel huit jours après.  Pour faire bonne mesure elle léguait à diverses personnes de son entourage la coquette somme totale de 900 écus d’or soleil, à condition qu’elle prient pour elle. 

Consciente de sa condition, elle régla le cérémonial de son enterrement. Elle ordonnait d’être inhumée devant l’autel Notre-Dame de l’église Sainte-Catherine d’Orléans. Son corps devrait y être transporté par six chevaux et douze personnes tenant des torches allumées  et conduits par le curé de sa paroisse, ses chapelains et les quatre ordres mendiants de la ville. Elle voulait que sa pierre tombale comporta son effigie, son nom, son surnom et la date de son trépas. Deux services solennels seraient célébrés, le premier le jour de son enterrement et le second le lendemain. Les douze personnes tenant leurs torches seraient disposées autour de sa fosse et diraient cinq Pater et cinq Ave et deux De Profundis.

Elle vécut cependant encore au moins une dizaine d’années puisque nous la retrouvons le 20 juillet 1564 signant un acte devant les notaires  Léal et Viard7. Cela signifie-t-il qu’elle était décédée ? La dot que versait René Sosson s’élevait à la somme de 10 000 livres dont la moitié serait versée la veille de « leurs espousailles ». 

Quelques jours après, René Sosson et son gendre Claude Corrard empruntaient à Antoine Faure commis au greffe du Grand Conseil 400 écus moyennant une rente de 33 écus un tiers payables chaque année en quatre fois en l’hôtel du sieur Faure. Les emprunteurs donnaient  en garantie la seigneurie de Rouville et la maison de la rue de Seine qui, disait le contrat contenait « plusieurs corps d’hostel , courtz et jardins, tenant d’une part aux héritiers de feu Thomas Blanche et d’aultre part à Nicolas Frissart et aultres »8.  

Deux ans après, toute la famille Corrard – Sosson s’installait rue de Seine, sans Marie qui était décédée mais avec un fils prénommé Raoul. C’est alors que René Sosson versa le 11 juillet 1580 à son gendre le complément de dot qu’il devait encore, c’est-à-dire 1666 écus 3/49.

René Sosson mourut en 1597, laissant pour héritiers ses fils François, avocat en Parlement, Jean mineur, sa fille Madeleine et Richard Corrard son petit-fils.

 Le faubourg Saint-Germain-des prés avait retrouvé un peu de tranquillité après avoir été troublée par les guerres de religion  entre la Ligue et le futur Henri IV.  En 1572, les cris de la Saint-Barthélémy avaient eu leurs échos dans Saint-Germain-des-Près lorsque les sbires de Guise poursuivaient les huguenots rassemblés au petit pré aux clercs et dans la rue des Marais10 qu’on surnommait la petite Genève.  Quelques années après, on se battit avec acharnement aux pieds de la muraille de Philippe Auguste où les fidèles d’Henri IV, criant vengeance, passèrent au fil de l’épée moult ligueurs. La situation des habitants du faubourg devint si critique en juin 1589, qu’on  creusa des tranchées pour se défendre. On donna même l’ordre d’aller chez tous les marchands de vin et les cabaretiers de Saint-Germain-des-Près, et ils y étaient fort nombreux, afin de rassembler 2000 futailles pour la construction de barricades. L’année suivante, les habitants désertèrent leurs maisons et se réfugièrent dans l’abbaye. À l’automne 1590, le Bureau de la Ville constata la destruction de nombreuses maisons alors que les troupes d’Henri IV étaient repoussées. Il fut alors décidé de démolir celles qui longeaient les fortifications de Paris ! La maison de René Sosson fit partie du lot11. Il faudra attendre l’entrée d’Henri IV dans Paris, le 22 mars 1594, pour que la paix revienne enfin dans les faubourgs. De cette longue période de guerre le quartier de Saint-Germain-des-Prés sortait complètement ruiné.

Peut-être les moines continuèrent-ils à tenir à jour leur censier durant ces trente années, en tout cas il n’en fut pas retrouvé. Par contre celui de 1595 nous apprend que les lieux qui nous intéressent avaient changé de propriétaire. Claude Vellefaux12, juré du roy en l’office de « massonnerye et voyer général de la terre et seigneurie de Sainct-Germain-des-Prés et ses appartenances » avait pris la place  « des héritiers de Me René Saulson13, procureur au grand conseil ». 



Claude Vellefaux et ses descendants propriétaires

Claude Vellefaux était natif de Percy-le-Franc en Franche-Comté. Il arriva à Paris vers 1585 avec son frère François qui exerçait comme lui la profession de maître maçon. De ses premières années à Paris, on sait seulement  qu’il acquit, le 9 avril 1586, une maison située  rue Sainte Catherine et qu’il la paya comptant.  

On ignore quand et comment il acheta le terrain de la rue de Seine. Cependant deux documents font allusion à son acquisition de la place « vuide » de la rue de Seine de façon assez contradictoire : le premier, est celui du censier de 1595 que nous reproduisons ci-dessous.

Déclaration de Vellefaux vers 1595

Un autre document14 qui est celui d’une saisie dont nous parlerons plus loin, nous apprend clairement que Claude Vellefaux l’avait acquise par l’intermédiaire d’Etienne Bonnet, son procureur.

Alors qui de l’un ou l’autre était le propriétaire précédent ? René Sosson ? En l’absence de l’acte de vente, il est difficile de se prononcer. Cependant comme un demi-siècle sépare les deux recueils, il est possible qu’en ces temps troublés, plusieurs propriétaires se soient succédé mais que le rédacteur du censier, prenant comme référence le censier de 1543, ait indiqué le propriétaire de 1543 en citant Sosson.

Cependant nous savons que Claude Vellefaux commença par édifier une maison côté rue de Seine sur le terrain qu’il avait acquis. Elle était alors la seconde à main droite quand on venait de la rue de Bussy et se composait d’un corps d’hôtel couvert de tuile, avec une cour par derrière, une étable, puis un jardin et encore une autre cour qui avait une issue sur « les fossez d’entre la porte de Bussy et la porte de Nesle » donc l’actuelle rue Mazarine, où il avait aussi commencé à bâtir. Il  s’y installa et y abrita aussi son frère.

Le 8 novembre 1595, il obtint l’un des quatre offices de juré expert du Roy es-œuvre de maçonnerie. Ce fut pour lui l’assurance d’une carrière pleine de promesse. Cependant il lui fallait assurer sa situation en obtenant sa naturalisation puisque la Franche-Comté n’était point française à cette époque. Cette étape fut franchie le 27 octobre 1600.

Naturalisation de Claude Vellefaux

Cependant Claude Vellefaux pour purger les éventuelles hypothèques qui pouvaient être sur sa maison la fit décreter au Châtelet le 26 mai 160415. Une description assez complète des constructions figure dans l’acte :

La maison consistait en 1604 en « un corps d’hostel couvert de thuille » qui comportait une « salle basse »16, un cabinet au bout de celle-ci, une cuisine à côté, un passage entre la salle et la cuisine , plusieurs  « chambres hautes » et un grenier au-dessus. Puis venait une cour sur le derrière au centre  de laquelle était une étable , un jardin derrière et des « lieux »,   enfin  une cour ayant issue sur les fossés d’entre les portes de Bussy et de Nesle  sur le côté de laquelle cour il y avait y a une galerie et un corps d’hostel formant le dessus de la porte. Le tout n’était pas achevé et tenait d’une part aux héritiers de feu Jehan Martin, en son vivant procureur en la court de Parlement et d’autre à Nicolas Frissart marchand drapier demeurant en la maison où pendait pour enseigne Le Heaulme et au jardin de feu Marie Blanche et Valentin Relmollin et aboutissait d’un côté sur les fossés et par-devant sur la rue de Seine. Telle était la description de la maison sur l’acte d’adjudication après la saisie.

Sa carrière prit un excellent tournant. Le roi Henri IV, très impressionné par les vagues d’épidémie de peste de 1562 et de 1596, signa un édit de fondation en mai 1607 d’un hôpital destiné aux pestiférés auquel il donna le nom de Saint-Louis, en souvenir du roi mort de la peste devant Tunis en 1270.

En 1606, il en confia la construction à Claude Vellefaux. Claude Chastillon et François Quesnel en avaient dressé les plans. Lui fut chargé de l’exécution des travaux par un contrat qui stipulait qu’il devait venir au moins une fois par jour. Les travaux commencèrent par la construction de la chapelle à laquelle des milliers d’ouvriers furent affectés17

En l’année 1607, Claude Vellefaux et son collègue Jean Autissier furent nommés comme experts dans un procès entre le Bureau de la Ville et un certain Marin de la Vallée : deux ans auparavant le Bureau avait décidé les travaux nécessaires à l’achèvement de l’Hôtel de Ville. Ils furent mis en adjudication au prix de 135 livres tournois la toise. Trois personnes se présentèrent dont d’ailleurs n’était point Claude Vellefaux. Les travaux furent adjugés le 6 juin à Marin de la Vallée, juré du roi en l’office de maçonnerie, qui en caution engagea deux de ses maisons. La lente hâte  avec laquelle il exécuta une première série de travaux ne l’empêcha point de concourir pour la deuxième série dont il se rendit adjudicataire moyennant 15 600 livres malgré la répugnance de Guillain, maître des œuvres de maçonnerie pour ce candidat. Ce dernier avait vu juste puisque l’année suivante, à l’issue du procès, l’entrepreneur fut condamné à recommencer ses travaux. On peut penser que Claude Vellefaux se fit un ennemi. 

Il fut aussi grand voyer de l’abbaye de Saint Germain des Prés et, en 1599, emporta un marché important : celui de la réfection du portail de la porte de Saint Germain. Quelques années plus tard, il construisit le réservoir des halles, puis il devint un temps le collaborateur de Quesnel pour l’élaboration du plan de Paris, il procéda aussi  à la construction d’une terrasse au bord de l’eau pour l’Hôtel Dieu.

Un an après, il fut à nouveau consulté par le Bureau de la Ville pour une contestation entre la Ville et à nouveau Marin de la Vallée. Cette fois il conclut en faveur de La Vallée et son avis fut suivi. La même année, sur les ordres du roi, il participa à une  commission avec les architectes Chambiges, Petit et Guérin  pour hâter les travaux le de l’Hôtel de Ville et signe à cette occasion le plan de la voûte de la chapelle du Saint-Esprit. 

Pendant cette période, il  fonda une famille en épousant Laurence Hébert qui était fille de Thomas Hébert, marchand, bourgeois de Paris et de Nicole Touvoye, propriétaires d’une maison en la Grande Rue de Saint Germain des Prés et d’une autre rue des Mauvais Garçons. Cependant, après quelques années de mariage, le couple n’avait toujours pas d’enfant, ce dont ils étaient fort marris. Ils décidèrent de se faire don mutuel de leurs biens « en considération de la grande amitié qu’ils se portent l’un deulx à l’autre et des peines qu’ils ont eu à amasser si peu de biens qu’ilz ont de présent jouict, qu’ilz n’ont aucuns enfans ». Ils choisirent à cette occasion le notaire Babinet qui vint chez eux, rue de Seine, pour la signature du contrat.

Lorsqu’il eut terminé de construire la maison sur « les fossez d’entre les portes de Bussy et de Nesle », c’est-à-dire notre rue Mazarine,il signa un bail en 1609 18 au sieur Étienne Doucet, bourgeois de Paris. L’acte nous en donne une description détaillée. Elle consistait  « en ung  corps d’hostel, une salle basse, caves et cellier en dessous , deux chambres au dessus, une escurye au dessus de laquelle il y a quatre petites chambres, une cuisine et au dessus d’icelle deux autres chambres, cour, jardin, puits garny de sa poullye de cuivre ». Il loua les lieux 600 livres par an. Le preneur devait la garnir de biens meubles et exploitables « pour suretté du loyer » et y effectuer toutes menues réparations locatives, en particulier entretenir le pavé « estant tant au devant qu’en la cour de lad maison ». Il s’engageait aussi à payer les taxes des fortifications, des boues, chandelles, lanternes et les taxes des pauvres, « empruntz, subsides et  autres impotz ».   

À la fin de l’année 1614, le prévôt et les échevins de Paris firent savoir que la réédification de quatre maisons situées sur le Petit Pont, du côté « d’aval l’eaue » et appartenant à la Ville serait baillée « au rabbaiz et moings disant […] à la charge  par l’entrepreneur de faire lesdictes maisons bien et deuement , conformément audict devis, et de rendre les clefs en la main ». Claude Vellefaux et un autre juré furent chargés d’évaluer la nécessité des travaux de réédification et la conformité de leur reconstruction au regard du cahier des charges.

Un an après, il fit aussi le plan du nouveau quartier du Luxembourg avec François Quesnel. Nommé juré du roi et voyer du prince de Conti en 1611, il devint contrôleur des bâtiments de l’Hôtel-Dieu en 1625.

Le 15 février 1614 vit la signature du contrat de mariage 19 entre sa nièce, Etiennette Vellefaux et Christophe Gamard, son assistant maître maçon. À cette occasion, on convoqua le ban et l’arrière-ban.  Jeanne Bellebaude, sa belle-sœur, mère de la future y assistait bien évidemment mais sans le père, François Vellefaux, qui était mort entre-temps. Très généreusement, Claude Vellefaux dota sa nièce d’une rente de ….. livres. Il entretint des liens très étroits avec son neveu et disciple qui devint par la suite un architecte connu. 

À sa grande joie, sa femme finit par lui donner deux filles auxquelles ils donnèrent les prénoms de Laurence et Anne qui firent toutes deux de fort beaux mariages.

Laurence, l’aînée épousa en 1624 Valentin Hieraulme 20 » docteur régent en la faculté de médecyne en l’université de Paris y demeurant rue Saint Denis, paroisse Saint Eustache ». Laurence eut de nombreux témoins qui vinrent signer le « traicté de mariage »: tout d’abord, son père, « juré du Roy en ses oeuvres de massonnerie » et sa mère, Laurence Hébert, qui stipulèrent en son nom car elle n’avait pas encore atteint l’âge de sa majorité ; son cousin germain Pierre Tourin, marchand, bourgeois de Paris ; Simon Machard aussi cousin ; messire Cherton du Lie, conseiller du roi en son conseil d’état ; maître Gilles Francset, substitut du procureur général du roi en sa cour du Parlement ; enfin maître Du Plessis, conseiller du roi en son présidial du Châtelet. De la part de Valentin Hieraulme, qui stipulait en son nom car il était majeur, on trouvait François Hieraulme, son père accompagné de sa femme Catherine Vinion ; sa tante Catherine Hieraulme qui était veuve de Jean Martin en son vivant premier médecin de la reine ainsi qu’une autre tante Marie Hieraulme, veuve de messire de La Virienne. Le côté Vinion était représenté par son oncle maternel Claude Vinion marchand, bourgeois de Paris ; Magdelaine Vinion, veuve de messire Galland marchand bourgeois de Paris, et Anne Vinion, veuve de messire La Fère ses tantes. Sa mère avait sans doute été mariée une première fois avec un certain sieur Charles car vinrent aussi signer François Charles, conseiller du roi et receveur des tailles en l’élection de Rennes, frère utérin, ainsi que Charles Langlois greffier au Châtelet de Paris à cause de sa femme, Catherine Charles. Des conseillers du roi en la chambre des comptes, en la cour du Parlement ou secrétaire du roi représentaient le cousinage accompagnés plus modestement par un procureur, un bourgeois de Paris et un avocat au conseil. Trois conseillers et médecins du roi signaient en tant qu’amis. 

Claude Vellefaux donnait à sa fille 13 000 livres dont la moitié entrait dans la communauté tandis que  François Hieraulme en apportait 12 000  à son fils. La parité était donc bien là. Le futur époux  allouait à Laurence Vellefaux un douaire préfix de 300 livres tournois de rente. En cas de décès du père ou de la mère des futurs époux, ils ne pourraient demander aucun partage et devaient laisser le survivant jouir des biens communs. Cette clause avait son importance comme on le verra plus loin.

Une fille naquit de ce mariage. On la prénomma Catherine. Vraisemblablement, sa mère mourut en mettant sa fille au monde et son mari ne tarda point à la suivre dans la tombe puisqu’en 1631, c’est son oncle et tuteur, François Hieraulme, receveur général de l’Hotel-Dieu qui viendra en son nom participer à la transaction en forme de partage que Laurence Hébert organisera à la mort de son mari.

Claude Vellefaux gagnait bien sa vie, il continua donc à acheter des terrains pour y construire des maisons pour les louer. Ainsi il en acquit rue des Mauvais Garçons, rue des Canettes, rue des Boucheries. Le  9 juin 1616,21 il devint propriétaire  pour 9 000L d’une maison qui tint un rôle très important dans sa vie et celle de ses proches. Elle se situait rue et paroisse Saint-Benoît, face à l’église du même nom et contenait deux corps d’hôtel, l’un sur le devant et l’autre derrière, court et jardin. Il ne tarda point à venir y habiter et y demeurera jusqu’à la fin de sa vie.

On demanda à nouveau son avis d’expert en 1625 pour le trajet que devaient emprunter les tuyaux venant de la fontaine de Rongis (maintenant Rungis) jusqu’à la place de Grève et autres lieux. Il fallait éviter  d’abîmer les piles et les voûtes du Petit Pont et du grand Pont Notre Dame.

Mais Claude Vellefaux se sentait vieillir. Il commença donc à mettre de l’ordre dans ses affaires. Tout d’abord, le 27 avril 1627, persuadé qu’il allait mourir prochainement, il fit son testament 22, léguant à l’Hôtel-Dieu trois arpents et demi de terre, à son directeur de conscience 30 L et  à sa paroisse quatre belles nappes d’autel et un bassin en vermeil. 

Cependant, il ne mourut pas dans les jours qui suivirent. Mais son écriture se dégradait tant qu’elle devint presque méconnaissable. Le 1er juillet, il donna procuration à sa femme pour donner à loyer une partie de la maison de la rue de Seine. Elle signait un bail de 3 ans moyennant 270 livres tournois « pour et par chacun par an » à Jean Cristofle, maître pâtissier à l’abbaye de Saint Germain des Prés habitant alors rue du Four. Ce dernier devait garnir le logement de bons meubles et entretenir le pavé de la rue sur le devant de son logis. Il ne pouvait pas céder son bail, par contre il pouvait descendre son vin et monter ses futailles de la cave occupé par son voisin, aussi locataire de la maison.

Le 27 octobre, ne se sentant plus capable d’exercer sa profession de juré du roi, il vendit son office à Christophe Gamard, son neveu par alliance, qui lui versa immédiatement 300 livres sur les 1500 livres qu’il en demandait. 

La mort vint  vraisemblablement en janvier 1629. En tout cas, l’inventaire (que nous n’avons pas retrouvé) commença le 16 février sous l’égide de Me Saint-Vaast, son notaire. Sa clôture fut signée par Musnier le 13 mars suivant. 

Sa seconde fille, Anne, n’était alors pas encore majeure et fut donc placée sous la tutelle de sa mère. 

Cependant elle se maria entre avril 1630 et avril 1631. Elle prit pour époux un descendant d’une famille noble et très ancienne du Poitou dont les origines remontait, dit-on, à 1046. Il s’agissait de Gilles Sanglier, seigneur de Joué et de la Noblaye. 

Ce dernier descendait d’un Jacques Sanglier qui avait épousé Jaquette de Chezelles qui laissa à sa mort le domaine de la Noblaye (paroisse de Lémeré) qui lui  venait de son père. À partir de cette date Anne Vellefaux devint Anne de Vellefaux et porta les armes de son mari : d’or, à un sanglier de sable, denté d’argent ; au chef d’azur, chargé d’un croissant d’argent, accosté de deux étoiles d’or. En faveur de ce mariage Laurence Hébert avait donné à sa fille le quart des revenus venant de Claude Vellefaux. Elle lui donna donc le quart des revenus de la maison à l’enseigne de l’Image Saint Martin située rue des Boucheries, de celle de l’Écharpe Blanche rue des Mauvais Garçons, de celle de la rue Saint Benoit et de celle de la rue des Rosiers, ainsi que de celle de la rue d’entre les portes de Bussy et de Nesle (rue Mazarine) à l’enseigne de la Ville de Francfort dont le fonds étaient du propre de Claude Vellefaux mais dont les bâtiments étaient à la communauté ainsi que la part lui revenant des loyers de la rue de Seine qui étaient un bien propre de Vellefaux.

Soucieuse des intérêts de ses enfants, Laurence Hébert mit au clair devant les notaires de Montrousel et de Saint Vaast, ce qui lui appartenait et ce qui leur revenait de la succession de son défunt mari. Le 14 juin 1631, toute la famille Vellefaux se réunit autour des deux notaires. Étaient présents Laurence Hébert, la veuve, François Hieraulme, le tuteur de Catherine Hieraulme, petite fille de Laurence Hébert, Gilles Sanglier le tout nouvel époux d’Anne Vellefaux. Il s’agissait de donner à la petite Catherine les mêmes avantages que ceux qui avaient été accordés à Gilles Sanglier et sa femme lors de leur mariage. Ce qui fut fait. Scrupuleuse, elle fit un compte détaillé des rentes qu’elle avait touchées depuis la mort de son mari auquel elle ajouta généreusement  le produit de la vente des meubles mis aux enchères après le décès de Vellefaux. On en remit le quart à François Hieraulme au nom de sa nièce et un autre quart aux jeunes époux.

Les Sanglier, propriétaire

Anne de Vellefaux donna de nombreux enfants à Gilles Sanglier 

– Louis, seigneur de la Noblaye,

– Joseph, seigneur de Saint Martin,

– Jacques, seigneur de Jable,

– Charles, seigneur de la Guinetière et capitaine au régiment de la reine,

– François, seigneur de la Gabillière,

– Gilles, seigneur du Perron,

– Et enfin Marie qui épousera François de La Barre.

Le Lion Noir était pour eux des maisons de rapport. Ils résidaient la plupart du temps à la Noblaye dans leur seigneurie de Touraine. Cependant Gilles Sanglier se rendit à Paris le 17 novembre 1643 pour signer un bail23. À cette occasion, il logea chez  François Hierosme, frère de son beau-frère, Valentin Hieraulme qui était décédé. Ils signaient ce bail en faveur de Pierre Ruette et sa femme Catherine de Choisy pour la coquette somme de 900 livres par an et pour six ans. Comme ces derniers étaient déjà locataires du Lion Noir 24 , les lieux ne sont pas décrits dans l’acte, ce qui est bien dommage !

Où une  partie  de  la  maison  est  séparée  du  reste  et  vendue

Une vingtaine d’années après la signature du bail, messire Gilles Sanglier et dame de Vellefaux, sa femme, décidèrent de vendre une partie de la maison du Lion Noir. Avaient-ils des dettes ? Est-ce à cette époque qu’ils achetèrent la terre de Peron, proche de la Noblaye ? Toujours est-il que cette fois-ci, ils ne se rendirent pas à Paris. Ils nommèrent comme procureur Hubert Gamard, un de leurs neveux, fils de Christophe Gamard, l’architecte. Il était chevalier de l’ordre du Roi, maître en ses conseils, gentilhomme ordinaire en sa chambre et lieutenant général des chasses du Louvre. Nous étions le 29 février 1668 . La vente était faite en faveur de Charles Lheureux , officier de monseigneur Le Tellier, secrétaire d’Etat, et à Antoinette Tripache sa femme. La partie de la maison du Lion Noir Couronné qui est vendue était le batiment sur la rue, à gauche de la porte cochère, c’est-à-dire le numéro 61 actuel. Elle était occupée par le sieur Bazoche, pâtissier qui était le gendre de l’acquéreur. Cette fois-ci la maison , ou du moins la partie vendue, est décrite dans l’acte. Pour une meilleure compréhension, il faut se reporter au plan ci-joint (datant des environs de 1822) sur lequel le morceau cédé est colorié en rouge et les cours en gris. La maison consistait en deux corps de logis l’un sur la rue et l’autre derrière, cour entre deux. Celui de devant comportait, comme de nos jours, une boutique sur la rue avec caves au-dessous, salle derrière, trois chambres par étage qui sont au nombre de trois et bouge attenant. Celui de derrière avait une petite salle au rez-de-chaussée, trois étages au dessus. Une galerie joignait les deux bâtiments et donnait sur une petite cour. Le tout était couvert de tuiles. Son voisin de droite était la maison du Lion Noir Couronné, celui de gauche était une maison qui porte l’enseigne de L’Image Saint Louis et derrière se trouvait le reste de la maison du Lion Noir qui appartenait au sieur et dame de Joué. La vente se fit moyennant 13 000 livres.

Le 14 mai de la même année le sieur Sanglier et sa femme étaient à Paris, logés dans la maison derrière. Ils venaient signer un avenant au contrat pour apporter quelques précisions.  Le cens, auquel la maison était assujetti, était de 12 sols 6 deniers. Il était stipulé que les fenêtres du premier étage du bâtiment sur la cour qui avaient une vue sur la cour de la maison des sieur et dame de Joüé seraient bouchées sur la moitié de la hauteur. En aucun cas le sieur et la dame Lheureux ne pourraient emprunter le passage de la porte cochère qui était réservée à l’usage unique du sieur et dame de Joüé. Enfin l’enseigne du Lion Noir, accrochée au mur des Lheureux , resterait là où elle est placée et les sieur et dame de Joüé pourraient la changer quand il leur plairait

En 1678, Gilles Sanglier était mort. Comme sa mère l’avait fait en 1646, sa veuve fit sans doute don de ses biens à ses enfants à l’occasion du partage des biens de la succession de son mari qui se fit le 6 mai devant maître Champigny, notaire à Chinon25.

Joseph eût la maison de la rue Mazarine qui s’appelait toujours La Ville de Francfort. Il se maria deux fois. Il épousa en premières noces  Charlotte Guillau (dont il aura deux enfants Charlotte qui rentrera en religion et Joseph)  et en secondes noces Michelle Bienvenue. De cette seconde union naquirent  Anne et Gilles qui vendront la maison à l’enseigne de La Ville de Francfort en 1714 à un certain sieur Courcault, marchand sellier-lormier. L’acte de vente indique que la maison était en fort mauvais état. On y entrait par une porte charretière qui était percée dans un édifice à un étage et grenier au-dessus et une boutique au rez-de-chaussée dans laquelle on entrait en descendant cinq marches. Dans la cour qui était ensuite, sur le côté gauche on trouvait un édifice à deux étages avec une écurie au rez-de-chaussée. Le grenier formait un pignon sur la rue Mazarine. ………..

Louis, seigneur de la Noblaye se vit octroyer la maison à l’enseigne de l’Image Saint Martin de la rue des Boucheries tandis qu’à Gilles échoua la maison de l’Écharpe Blanche, rue des Mauvais Garçons 26  ainsi que celle du Lion Noir de la rue de Seine.

À SUIVRE







  1. A.N. S2867, Bail d’une parcelle de terre du 10/05/1530 

  2. Voir l’histoire des 67 et 59 rue de Seine 

  3. Histoire économique de l’imprimerie, Paul Mellotée Vol. 1, P345 

  4. Les comptes de l’abbaye de Saint Germain des Près de 1538-1539 (A.N. ; LL1122) indique l’existence d’une maison, non plus d’un terrain vague.  

  5. A.N. ; M.C. ; ET/VIII/61 Devis du 1/03/1541 

  6. A.N. ;M.C.; ET/VIII/107 . Acte du 21 mai 1555, testament de la veuve Sosson  

  7. Les minutes du notaire Viart n’existent plus mais l’acte ayant été insinué (A.N.; Y 105 f°196). Elle s’était en effet rendue à Paris pour faire don de la moitié de la maison qui nous occupe à son fils René qui avait repris la charge de son père et à sa belle-fille, Jacquette Moreau, sous condition d’en garder l’usufruit sa vie durant. La maison n’était toujours pas un palais puisque les lieux se composaient « d’une maison, estable, court, jardin, lieulx et appartenances […] assis à Sainct Germain des Prés lez Paris rue de Sayne et ayant yssues sur ladicte rue et sur les fossez d’entre les portes de Nesle et de Bussi (maintenant la rue Mazarine) . Son voisin vers le midi  était Jean Martin, procureur en la cour du Parlement. Toujours à droite mais du côté de la rue Mazarine, Guillaume Lenoir, libraire, avait succédé à son père, Philippe.  À gauche, vers le nord, on trouvait les héritiers de Denis Dupont et leur mère Agnes Constantin, veuve depuis peu d’un certain  Henri Plunny. 

    Lorsque le 6 janvier 1578, René Sosson et sa femme Jaquette Moreau marièrent leur fille Marie à maître René Corrard, avocat en la cour du Parlement, Marie Martel, l’aïeuele, ne fut point mentionnée dans le contrat de mariage((A.N. ; M.C. ; VIII/107, contrat de mariage 

  8. A.N. ; M.C. ; VIII/107 acte du 30/01/1578 

  9. A.N. ; M.C. ; LXXXVI/115 , acte du 11/07/1580 

  10. Maintenant rue Visconti 

  11. Le censier de 1595 indique que toutes les maisons depuis le jeu de paume de l’Aventure jusqu’à la porte de Buci furent détruites 

  12. L’orthographe des noms n’étant pas fixée à cette époque , il sera appelé Vellefaux, Villefaux, Vilfaux, Velfaux, de Vellefaux  et même une fois Belfaux, cependant tous les actes sont signés par lui sous l’orthographe « Vellefaux » 

  13. c-à-d Sosson 

  14. Il s’agit de l’acte de saisie daté du 26 mai 1604. A.N. : Y2977/A 

  15. Arch. Nat., Y2977/A, adjudication du 16 mai 1604 

  16. C’était le nom que portait la pièce à vivre de cette époque 

  17.  Nouvelle collection pour servir l’histoire de France …. P.432 

  18. Le bail fut signé le 30 novembre 1609 devant Le Sennelier et Bontemps  

  19. A.N. ; M.C. ; CX/57, contrat de mariage du 15/02/1614 

  20.  A.N. ; M.C.; : LXXIII/19 ?, contrat de mariage du 20 février 1624 

  21. A.N. :, M.C. XXXVI/101, 9/06/1616, Me Jolly, acquisition d’une maison rue Saint Benoit. 

  22.  A.N.; M.C. ;  LXXIII/196, Me Saint Vaast, testament 

  23.  A.N., M.C. XCII/118 

  24. On remarquera que le lion noir n’est plus couronné 

  25. Malheureusement les minutes de ce notaire n’ont pas été versées aux  AD d’Indre&Loire 

  26. A.N. : S 2840 Acte de vente de la maison de la rue des Boucheries du  19/01/1679 

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