Le 10 rue de Seine ou l’hôtel d’Angoumois

L’immeuble du 10 rue de Seine

L’immeuble du 10 de la rue de Seine est l’un des plus beaux de cette voie. Il se présente agréablement de façon non alignée avec ses voisins car il est plus ancien. L’aile de gauche abrite une école de dessin pour jeunes filles depuis fort longtemps.

1540-1576 : la famille de Mesmes

Le 23 août 1540, Jean-Jacques de Mesmes se présenta chez le notaire bien connu Me Maupeou et son beau-père Me Bastonneau aussi notaire, pour acquérir de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés une pièce de terre de deux arpents dix perches (soit environ 7200 m2) situé dans la rue selon le schéma qui suit :

Le terrain vendu avait une forme de potence. La partie la plus étroite le long de la future rue Bonaparte comportait trois quartiers, soit environ 2600 m2 qui formera un siècle plus tard une partie de l’hôtel de La Rochefoucauld. La partie entièrement située entre la rue de Seine et la future rue Bonaparte avait une superficie de 4600 m2.

Peu de temps après, Jean Jacques de Mesmes se sépara de la partie potence (2 600 m2) en la vendant à Nicolle Dangu, évêque de Sées puis de Mande et il ne garda que la portion qui recouvre actuellement le 12 rue de Seine complètement et le 10 dans sa plus grande partie une portion importante de n°10 ainsi que le 9 rue Bonaparte et une grosse portion du 7, comme il est indiqué ci-dessous1 qui mesurait environ 4 600 m2 :

Sur cette parcelle de terre il fit construire deux corps d’hôtel qu’il appela le Petit Limoges et le Grand Limoges et donna en dot le premier à sa femme en secondes noces.

Jean Jacques de Mesmes occupait une place importante dans le royaume. Il était né en 1490 à Mont-de-Marsan au 7e mois de la grossesse de sa mère, ce qui était à cette époque très exceptionnel. Il fit tout d’abord des études de lettres puis de juriprudence. Catherine de Foix, reine de Navarre le fit venir auprès d’elle pour être intendant des ses maisons et de ses affaires. Il y montra tant de qualités qu’elle le nomma son député à l’assemblée de Noyon pour revendiquer la partie de Navarre dont les Espagnoles s’étaient emparé. François Ier le remarqua et l’envoyas en Allemagne, Suisse et Espagne en qualité d’ambassadeur. Il fut aussi lieutenant civil au Châtelet, maître des requêtes en 1544 et premier président au parlement de Normandie.

Il avait épousé en premières noces Nicole Hennequin dont il eut cinq enfants dont Antoinette dont nous parlerons plus loin. Devenu veuf, il s’unit en secondes noces avec Jehanne Le Père, veuve de Me Yves Brinon, ancien avocat au Parlement2 à qui il donna en faveur du mariage 120 livres de rente viagère pour son douaire et la possibilité, si bon lui semble, le loyer de l’hôtel qui est derrière la cour et celui de la petite étable qui est sur le devant de la maison du Petit Limoges rue de Seine toute sa vie .

Il mourut le 23 octobre 1569 alors qu’il était au couvent des grands Augustins et y fut enterré.

Un partage des biens eut lieu3, Antoinette, la fille de Jean-Jacques de Mesmes avait épousé en 1564 François d’Elbène, écuyer d’origine italienne et seigneur de l’Espine et de Bois Espinart. Elle avait reçu en héritage au moins la maison du 10 qui s’étendait alors jusqu’à la rue Bonaparte. Trois enfants étaient nés de ce puis elle mourut en 1576. Son mari vendit la maison qui contenait alors deux corps d’hôtel, l’un devant et l’autre derrière avec une cour au milieu, un puits et un jardin derrière. Les acheteurs étaient Antoine Briant et sa femme Bernarde Le Normant. Il était capitaine des bateaux du roi et des charrois de la reine.

1576-1606 : La famille Briant

François d’Elbène, en son nom et au nom de ses enfants, vendit donc le 30 août 1576 la propriété des grand et petit Limoges à Antoine Briant, capitaine des bateaux du roi et de surcroit sommelier de la future reine et à sa femme Roberde Le Normant. La maison contenait alors deux corps d’hôtel, l’un devant et l’autre derrière avec une cour au milieu, un puits et un jardin derrière. Les notaires choisis étaient Pierre Rossignol et Jean Herbin. 

Il n’y a malheureusement peu d’espoir de récupérer le contenu de l’acte de vente puisque les minutes de Jean Herbin n’existent plus. Nous nous sommes reportés à l’inventaire fait après décès de la veuve d’Antoine Briant4 qui nous confirme bien que la maison contenait deux corps d’hôtel l’un devant et l’autre derrière, cour au milieu et jardin derrière et que la vente fut faite à la charge du cens envers l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés et outre tant moyennant 2600 livres tournois payés comptant ainsi que 100 livres de rente. La décharge de la rente fut signée devant maîtres Montenault et Herbin le 3/03/1580.

Antoine Briant et Roberde Le Normand avaient deux filles Bernarde et Marie. Bernarde avait épousé en premières noces Charles de Provensal. Devenue veuve en 1599, elle s’unit à Antoine Leclerc, sieur de La Forest qu’elle connut parce qu’il était en pension à Tours chez sa mère après une grave blessure de guerre. Il était avocat au Parlement et fit aussi partie de la commission qui organisait les fêtes données en l’honneur de Marie de Médicis. Il mourut le 23 janvier 1628 et fut enterré dans l’église des Pénitents de Picpus

L’autre fille, Marie, se maria à Nicolas Le Gouge (alias de Gouge) valet de chambre du duc de Montmorency puis celui de Nemours

1606 -1615-La reine Marguerite

C’est en 1605 que la reine Marguerite, la première femme d’Henri IV, revint à Paris. Elle habita d’abord l’hôtel de Sens mais après l’exécution de Vermont sous ses propres yeux, elle quitta cet hôtel en s’en fit construire un autre rue de Seine par Jean Autissier qui s’entendait du 10 à la rivière dont voici quelques figurations :

Elle y donna de somptueuse fêtes et finit par y mourir en 1615 en laissant d’énormes dettes. Le roi Louis XIII à qui elle l’avait légué le mit en vente à un consortium d’acheteurs : Jacques de Garsanlan, Jacques de Vassan, Louis Le Barbier, Joachim Sandras , Jacques Potier et enfin Guillaume Moynerie. Ce fur ce dernier qui se déclara acheteur du bâtiment qui porte aujourd’hui le n°10.

1625-1645. La famille Moynerie

Guillaume Moynerie était secrétaire de la Chambre du Roi et sieur de la Bobanière de surcroit. la Propriété qu’il fait acquise avait environ 11 toises de façade (environ 20,5m) avec au rez-de-chaussée  un grand pavillon avec une cour devant, deux ailes de chaque côté et un jardin derrière, deux écuries, une cuisine et un passage sous l’hôtel menant au jardin.

Il mourut le 4 juillet 1632 laissant pour héritiers deux filles et trois garçons.5. Une estimation de la grande maison de la rue de Seine fut faite par Simon de Lespine en 16426, il constata qu’elle valait 50 000 livres et qu’elle ne pouvait être partagée. Les héritiers signèrent un arrangement entre eux qui fit qu’André Druel et Marguerite Moynerie devinrent dans le partage propriétaire d’un tiers en 5 parts7. Ils rachetèrent un autre tiers après la mort de Louise Moynerie et le reste par un acte de licitation du Châtelet du 4 février

1645- 1659. La famille de Prouville de Tracy

Le 6 février 1645 devant Me de Beauvais & Le Roux, André Druel et Marguerite Moynerie sa femme vendirent à Alexandre de Prouville, conseiller du roi en son conseil d’État, commissaire général et colonel d’un régiment de cavalerie en Allemagne et dame Marie Louise de Belin son épouse. Il est à noter que le bâtiment était alors loué à la demoiselle de Bouillon depuis février 1644. 

Alexandre de Prouville maria en 1657 sa fille Crisante à Pierre de Halgoet, seigneur de nombreux lieux et en faveur   de ce mariage il lui donna généreusement en dot la maison de la rue de Seine8

Deux ans plus tard, le 10 mars 1659, les jeunes mariés se séparèrent de la maison en la cédant à une certaine Jeanne Levavasseur, riche veuve de Pierre Bance moyennant 2500 livres de rente  


  1. A.N. ; LL1124 et LL1125 registres des monuments ecclésiastiques de l’abbaye de SGP 1541-42 et 1548-49 

  2. A.N. ; Y//105 f° 96 

  3. Malgré beaucoup de recherches, nous n’avons pas pu retrouver l’acte de partage 

  4. A.N. ; M.C. ; XXIII/135, inventaire du 3/10/1601 

  5. Inventaire dressé par Me Paisant le 18 juillet 1633 

  6. Z/1j/260, visite du 3 juin 1642 

  7. Dupuys et Paisant du 9 mai 1635 

  8. A.N. ; M.C. ; Me Le Vasseur et de Beauvais, acte du 14/05/1657 

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